L'oie sauvage de panama à tahiti


Commencé durant notre traversée Galapagos Marquise en mars 2008, pour occuper le temps et aussi pour la famille, les amis, les lecteurs d’Hisse et Oh, en espérant que ces notes pourront leur être utiles ou tout simplement les faire rêver…

Sommaire:
De Panama aux Perlas
Des Perlas aux Galapagos
Les Galapagos
La traversée Galapagos Marquises
Les Marquises
La traversée Marquises Tuamotu
Les Tuamotu
Tahiti, Papeete, Raiatea

De Panama aux Perlas

(Guide: « The Panama Cruising Guide » de Eric Bauhaus)

Le 4 février 2008, nous quittons Panama City. Le Balboa Yacht Club où nous avons séjourné deux semaines n’est en fait qu’un appontement et un ensemble d’environ cinquante bouées. On y vit au rythme des avions qui se posent sur l’aéroport tout proche, et du trafic du pont des Amériques qui surplombe la marina. 20 US$/jour pour un 38’, ce n’est pas donné, mais la marina est bien située, on peut y faire de l’eau et du carburant, les « water taxis » et WIFI sont gratuits. Il est possible de sortir le bateau mais le slip est pentu. Les quelques shipchandlers sont peu fournis mais ils peuvent commander du matériel aux US, comptez un mois de délai.
Panama, ce n’est pas seulement le canal et les San Blas. Les dirigeants ont mis en place une politique dynamique pour attirer les capitaux, les étrangers, les retraités, et ça marche. Panama City est une grande ville en pleine expansion où la vie est très bon marché, l’intérieur du pays est joli, il y a peu de problème de sécurité sauf à Colon où il convient d’être prudent.

Direction l’île de Taboga toute proche. Les français en avaient fait un centre de soin durant les travaux pharaoniques du canal. Ce n’était sans doute pas un luxe si l’on songe que 22000 personnes périrent durant cette période. Nous tombons en plein carnaval. La coutume veut que les enfants aspergent les adultes avec de l’eau… La balade qui suit le chemin de croix est à faire. Mouillage un peu rouleur.

Nous repartons le lendemain matin pour les Perlas. La mer est toujours d’huile. Nous ressentons des vibrations inhabituelles dans le moteur. Je plonge pour dégager l’hélice d’un bout de filet et je constate que la coque est incroyablement sale. Le carénage effectué en octobre dernier au Vénézuela est loin. Les mouillages de Carthagène en Colombie et de Colon sur le Flat ont été dévastateurs. Prévoir un carénage soit à Panama (Shelter bay, Panama Yacht Club ou Balboa) ou sur la côte équatorienne pour ceux qui y passe, n’est pas un luxe pour un voyage Vénézuela / Polynésie, tant les saletés prolifèrent vite dans ces eaux. Les catas peuvent caréner sur les plages des Perlas entre deux marées.

Après sept heures de moteur, nous mouillons au nord de l’île de Pacheca (8°40’N / 79°03’N). Des quantités incroyables d’oiseaux marins, principalement des frégates, des pélicans et des fous, ont élu domicile dans ce petit paradis. Toute la soirée nous observons des centaines d’escadrilles qui arrivent du large pour passer la nuit sur l’île. Le lendemain nous la visitons après avoir demandé l’autorisation au personnel qui travaille à la construction de bâtiments. Certains arbres sont blancs de fiente, il y a des nids partout. Nous approchons les oiseaux à quelques mètres. Ce doit être la période des amours pour les frégates car les mâles arborent de magnifiques jabots rouge.

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Nous progressons vers le sud en nous arrêtant à chaque île. Contadora est le centre des Perlas et un lieu de résidence pour Panaméens aisés. De petits avions font quotidiennement la navette avec Panama City. On y trouve du gasoil et de l’eau mais il faut « bidonner ». Si l’on veut se faciliter la tâche, il est possible de louer de petites voitures électriques pour transporter les jerricans entre les boutiques et le dinghy. Les petits supermarchés ne sont pas très bien achalandés.

La série américaine « Survivors » a été tournée sur l’île de Chapera. Alors que nous revenons par la berge d’une balade à pied dans l’île, nous sommes arrêtés par une embarcation montées par sept commandos équipés de gilets pare-balles et de fusils d'assaut. Mais le traducteur est tout sourire et nous indique simplement que l’île est domaine militaire et que nous n’avons pas le droit de descendre à terre. A Panama les forces de sécurité ont des consignes pour prendre soin des touristes.

L’île de Rey est la plus vaste de l’archipel. Nous mouillons devant le village de pêcheurs de la Ensenada, à côté de l’île Canas. Quiétude, atmosphère sympa. Nous achetons quelques fruits et du poisson. Bien que ces îles soient poissonneuses, la chasse sous-marine est rendue difficile par une eau pas toujours claire et des courants forts selon les heures marée. Ces Perlas sont vraiment très belles avec leur végétation exubérante et leurs superbes plages, elles méritent une escale prolongée.


Des Perlas au Galapagos

Depuis une semaine nous observons attentivement les fichiers gribs que nous recevons par SailMail via la BLU du bord (prévision à trois jours) ou du NOAA (prévisions à sept jours) à partir des cybercafés de Contadora. Les alizés de SE nous semblent installés très sud, entre 9 et 10°S ; il paraît que la Zone de Convergence Intertropicale doit être bien nord pour avoir des conditions de traversée favorable… Nous ne la voyons pas sur les cartes météo… Elle est habituellement sur 5°N… Au moment de nous lancer dans ce grand Pacifique, nous avons l’impression d’être des bleus en navigation. Nous restons quelques jours au joli mouillage du Rio Cacique au sud de l’île de Rey. La remontée en dinghy de la rivière, très photogénique, est à faire à marée haute, sinon vous risquez de ne pas pouvoir franchir la passe.
Le 15 février nous levons l’ancre avec une jolie brise de nord idéale, cap plein sud pour sortir du golfe de Panama. C’est parti pour 900 miles (1600km). La première nuit la mer est couverte de détritus, de plastiques en tous genre, de débris de végétation. Ce sont les grands fleuves du Darien (Région à l’est de Panama) qui font office de voirie pour les villages riverains, avant de se jeter dans le golfe de San Miguel 30M à l’est. Nous montons soudain sur un gros madrier, heureusement, nous ne sommes qu’à 4N à la voile. Peu après, sous un beau clair de lune, nous voyons défiler un énorme tronc d’arbre sur notre bâbord. Quelques dix minutes plus tard, nous en heurtons un. Le bruit est impressionnant, mais ce n’est pas dangereux à cette vitesse. Nous sommes un peu inquiets tout de même et écarquillons les yeux durant plusieurs heures.

Au niveau du cap Mala nous piquons droit sur les Galapagos. Le vent passe au NW 15 à 20N. A 100° du vent et poussée par le courant de Panama, l’Oie Sauvage s’envole à 7, 8 parfois 9N par mer belle, c’est l’euphorie à bord. Nous nous disons que nos analyses météo deviennent pertinentes, que nous avons la baraka… La suite de la navigation allait tempérer notre enthousiasme.

Le vent tombe, nous entrons dans la zone du pot au noir. La nuit, nous sommes entourés d’éclairs. C’est assez impressionnant. Nous slalomons entre les grains que nous prenons très bien au radar. J’appréhende un peu pour notre électronique. La foudre a sérieusement endommagé les équipements de plusieurs voiliers aux San Blas. On entend cependant que très peu le tonnerre. L’atmosphère est tout de même très particulière, comme chargée d’électricité.

Par 4°57’N et 81°39W, nous commençons à sentir les effets du courant de Humboldt qui remonte le long de la côte sud-américaine. Nous décidons d’abandonner le cap direct et de suivre les recommandations de Cornell en faisant route au 187°. Nous passons à l’ouest des îles Malpélo. Le vent est devenu rare, nous recherchons les grains et allons dessous pour avoir de l’air. Nous pouvons ainsi avancer de quelques miles à la voile avec des vents allant de 15 à 30N, toujours au près. Entre, c’est la pétole. Nous passons l’équateur en nous congratulant. Nous y allons évidemment de notre séquence vidéo montrant le GPS passant de 00°00’001N à 00°00’001S, on s’embrasse… Il pleut toute la journée du passage de l’équateur.

Le 5ème jour, par 00°07S et 82°20W, nous touchons enfin du vent, SW 10 à 12N. Nous mettons à la voile. Je m’applique à faire le meilleur près possible. Dominique qui est en bas me crie : « Super, on marche à 7,5N ». Je me dit que la mariée est trop belle. Je mets sous pilote et descend voir les instruments. Certes, nous avançons bien à plus de 7,5N, mais la route fond est au 135 alors que le CC est au 185... Nous subissons une dérive importante. J’allume l’ordinateur en me disant que, si nous virons, 135 + disons 130° pour être large, nous allons nous trouver cap sur les Galapagos. Cocagne ! Nous virons donc, réglage du bateau pile poil, je descends voir : Vitesse fond 2N, route fond : 348° !!! 210° entre les deux bords, les bras m’en tombent. Nous essayons tout de même de tirer quelques bords, pas de doute, la trace sur le logiciel de navigation montre clairement que, tout en louvoyant, nous reculons nettement sur le fond.

Nous sommes perplexes, le courant de Humboldt pousse normalement au nord en épousant la côte sud américaine… Le courant sur lequel nous butons est WSW. Nous remettons au moteur. Le bateau marchant normalement à 6N à 1500 tours, il est facile d’évaluer le courant ; pas de doute, il est d’au moins 3N. Tenter de rallier les Galapagos à 600M de là en cap direct est impossible, nous n’aurions pas assez de carburant. Nous étudions la solution suggérée par Cornell : Mettre le cap plein sud pour accrocher les alizés sur 3°S. Le problème est que nous voyons les alizés en question sur la latitude 8 à 9°S sur les gribs que nous sortons quotidiennement. Cela représente 550 à 600M de moteur à moins de 3N, nous sommes loin d’avoir cette autonomie. Attendre des conditions favorables nous paraît très aléatoire dans cette zone. Nous décidons de mettre le cap au 160 sur Salinas en Equateur distant de 150M.

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Puerto Luccia, la marina de Salinas(1) est située près de la Libertad. Le Yacht Club est bondé de bateaux pavoisés, c’est l’ARC, 33 superbes unités. Cela signifie pour nous qu’au niveau service, nous passerons après. Il n’y a évidemment plus de place mais nous pouvons mouiller sur notre ancre dans l’avant port : 33US$/jour sans eau ni électricité. Il y a eu récemment une pollution aux hydrocarbures, les coques, les annexes sont dans un état épouvantable, mais les équipages de l’ARC sont sympathiques, il règne une bonne ambiance. Il y a là un français haut en couleur sur un invraisemblable plan Langevin, une vraie bête de course. Nous rencontrons d’autres bateau qui ont rencontré les mêmes conditions que nous, cela a un côté rassurant. Bien, mais maintenant que faisons-nous ?

(1) 2°13’S / 80°55’W, VHF canal 6, possibilité de sortir les bateaux : 344$ + 33$/jour. Gasoil : 0,3$/l, wifi gratuit, piscine, salle de fitness dans la marina. Personnel dévoué et sympathique, dommage que le manager soit un psychopathe. Il est odieux avec son personnel et agressif avec les clients.

D’abord comprendre ces courants qui nous paraissent inhabituels. Une partie de l’explication nous vient de l’article d’un journal posé à la réception de la marina. Il indique que la Nina est la cause d’inondations catastrophiques en Equateur. Comme chacun sait la Nina est un phénomène climatique ayant pour origine une anomalie thermiques des eaux équatoriales de surface (première dizaine de mètres) de l’océan Pacifique centre et est, caractérisée par une température anormalement basse des eaux et un renforcement des courants. La Nina (la petite fille en espagnol) tire son nom d’El Nino (le petit garçon en espagnol en référence à l’enfant Jésus) dont les conséquences maritimes et climatiques engendrées par ce phénomène sont globalement l’inverse de ceux de la Nina. Son origine est mal connu, mais il semblerait qu’elle soit liée à un renforcement des alizés dans locéan Pacifique Ouest qui, déplaçant les aux chaudes de surface de cette région en direction du continent asiatique, provoquent un renforcement de l’upwelling du courant de Humboldt, amenant ainsi en surface plus d’eau froide qu’à l’accoutumée. (Informations glanées sur Internet)

Il semblerait en fait que les conditions que rencontrent les navigateurs durant cette traversée sont très aléatoires. Un mois avant nous, un voilier a effectué la traversée Panama Galapagos en cap direct, au portant tout le temps. Les courant peuvent être assez différents à quelques dizaines de miles près. Le courant d Humbold serait par exemple moins sensible à l’est des îles Malpélo. Une seule certitude, il vaut mieux partir avec une réserve importante de gasoil, d’autant qu’il n’est pas cher à Panama.

L’ARC quitte Salinas pour les Galapagaos le 24 février. Beau spectacle. Le 26 au petit matin, un superbe Baltic 58 du rallye revient au Yacht Club. Un filet dérivant a entamé la liaison quille coque et provoqué une voie d’eau. Nous discutons avec Félix le skipper italien. Il nous dit que le vent est nul à 20M des côtes. Les bateaux qui sont montés sur l’équateur en voulant exploiter une petite brise d’WSW ont rencontré un courant contraire d’environ 3N, plusieurs ont pris leur hélice dans des filets… Le regard que me jette Dominique semble dire : « Hé bé, nous ne sommes pas encore aux Galapagos ! »

Nous étudions alors la solution consistant plonger vers le sud en longeant la côte avec une escale à Paita au Pérou si besoin est. Dans ce cas, nous n’irions pas aux Galapagos et ferions route directement sur les Marquises. Le problème est que cette option ne nous rapproche pas des vents que nous voyons toujours sur la latitude 8 à 9°S et pas avant 93°W. Les récits que nous trouvons sur Internet de ceux qui ont pris cette option ne sont pas folichons : Brises capricieuses, beaucoup de filets. Après avoir bien cogité, nous décidons de rallier les Galapagos au moteur.

Pour cela, nous devons nous procurer des bidons supplémentaires. Nous allons en taxi (1$) dans les quartiers populaires de la Libertad et trouvons facilement des marchands d’articles en plastique. L’un d’eux propose des jerricans de 30l qui devraient faire l’affaire à 4$ pièce. Sur certains d’entre eux est collée une étiquette qui semble donner les spécifications du produit. Je lis : « Date de péremption, août 2008, nom : Punch coco» En fait ce sont des bidons d’occasion qui ont déjà servi à transporter divers produits. En ouvrant le bouchon, l’origine des produits ne fait aucun doute, certains puent affreusement. Nous en prenons 16 en plus des 5 que nous avons à bord. Ce n’est plus un voilier, c’est un super tanker notre canot ! Nous rangeons 16 jerricans dans un des coffres arrière, 4 dans la cabine arrière et un derrière la colonne de barre. Cela devrait nous permettre de faire face au cas le plus défavorable, à savoir couvrir les 530M (1000km) au moteur à 2,5N. En effet, nous ne nous voyons pas du tout arriver en vue des Galapagos à court de carburant et revenir gentiment à la case départ repoussés par les courants. 700l de gasoil, 420l d’eau et l’avitaillement pour la traversée Galapagos Marquises, nous nous demandons comment va se comporter le voilier. Je glisse à Dominique :
- Tu vois, avec 2 mètres de plus, nous étalerions mieux la surcharge…
- Tu rigoles, 2 mètres de plus juste pour faire 600M !
Comme je ne réponds rien mais qu’elle m’entend penser, elle ajoute :
- Et ne me parle pas de cata, ils supportent encore moins la surcharge !

Le 29 février nous quittons Salinas, cap sur San Christobal. La mer est calme avec juste un petit souffle d’est. Le bateau se comporte plutôt bien malgré la charge. Nous avons décidé de suivre les recommandations du routeur de l’ARC, à savoir suivre le parallèle 2°S où nous sommes censés rencontrer moins de courant. Effectivement, nous n’aurons pas de vent durant quasiment toute la traversée, mais le courant contraire ne sera que de 1 à 1,5N. Il sera nul les derniers cinquante miles et favorable en final. Nous ne rencontrerons que très peu de pêcheurs et pas de filet.
L’avantage au moteur est que l’on peut faire fonctionner tous les gadgets du bord : Ordinateur, groupe froid, lecteur CD… Allez ! Musique à fond, bière fraiche, et la complainte d’Alan Stivell sort par le capot grand ouvert, s’en va flâner sur la longue houle du Pacifique qui miroite au soleil. Un beau fou masqué, blanc aux ailes frangés de noir, qui passe par là nous regarde avec un drôle d’air, comme s’il n’avait jamais entendu Alan Stivell… Nous n’avions encore jamais navigué sur une telle mer. Il n’y a pas une ride à la surface mais la houle est d’environ trois mètres. Elle est très longue et de ce fait, pas du tout inconfortable. Ce doit être la baston dans le Grand Sud, à 3000M de là, pour que l’on en ressente les effets jusqu’ici. Un grand oiseau fait le tour du bateau en deux coup d’ailes. C’est un albatros, d’une espèce endémique aux Galapagos. Chaque nuit, une vingtaine de mouettes à queue d’aronde, très élégantes avec leurs ailes gris cendrées et leur tête noire, escortent le voilier. Drôle d’impression ces oiseaux qui volent autour de nous à quelques mètres. Moitessier dirait qu’elles nous souhaitent la bienvenue en nous montrant la direction des îles ; en fait elles pêchent les petits calamars dans le halo des feux de navigation. Nous arrivons de nuit à San Christobal dans le mouillage de Puerto Baquerizo après cinq jours et demi de moteur à 4N de moyenne, ouf !


Les Galapagos

(Guide français : « Archipel des Galapagos » de Pierre Constant. Ce n’est pas un guide de navigation, mais le meilleur ouvrage pour connaître et comprendre l’archipel)

Au petit jour, alors que nous rêvions de farniente, des grognements, des feulements, des éternuements nous tirent de notre sommeil. Nous sortons pour voir une otarie, ou lion de mer, confortablement installée sur la jupe arrière. Le lendemain c’est une mère en train d’allaiter son petit qui a pris possession de l’arrière en nous regardant avec un air craquant. Puis, au fil des jours, c’est la bousculade pour investir le cockpit ! Au début nous les trouvons adorables, nous les photographons, puis elles deviennent vraiment trop envahissantes. La nuit, elles mènent un raffut d’enfer dans le cockpit, elles puent et chaque matin c’est la corvée de nettoyage. Nous essayons donc, comme tous les bateaux, de les empêcher de monter à bord en installant sur la jupe tous nos pare-battages, nos jerricans vides, mais, après quelques tentatives, elles trouvent vite le moyen de grimper. L’otarie est vraiment l’animal emblématique de San Christobal. Elles se prélassent de partout, sur les jetées et les plages de la ville. Elles se laissent approcher de très près, ayant bien intégré que l’homme n’est plus leur prédateur. Puerto Baquerizo est une petite bourgade propre et agréable à vivre. On y mange bien et pas cher. L’avitaillement ne pose pas de problème.

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Nous allons plonger au pied du « lion endormi », un bloc de rocher qui émerge à 130m au dessus de la mer. Nous sommes passés par une agence car il n’est pas autorisé de s’y rendre avec son propre bateau, de plus nous n’avons pas de bouteilles à bord. (100$/personne : deux plongées + explo en apnée + repas) Nous nous mettons à l’eau à quelques mètres des falaises et nous glissons le long du tombant. Entre quinze et vingt mètres nous allons découvrir une vie sous marine extraordinaire : Requins par dizaines (marteau, pointes blanches, requins des Galapagos) barracudas par centaines, raies léopard, mérous, tortues vertes… L’après-midi, après une seconde plongée plutôt décevante par rapport à celle du matin, nous allons mouiller dans un lagon turquoise où nous jouons en plongée libre avec les bébés otaries, magique !

Coté terrestre nous passons par Fernando pour une excursion qui nous fera découvrir les tortues géantes et les iguanes de mer. Fernando est l’homme providentiel qui peut vous fournir eau douce, gasoil et vous aidez à régler d’éventuels problèmes. Nous déjeunons chez lui dans une sympathique atmosphère familiale. Il nous montre ses livres d’or qu’il conserve précieusement depuis quinze ans. Des navigateurs de toutes origines ont laissé de chaleureux témoignages avec des photos ou des dessins de leur bateau. Nous retrouvons avec plaisir la trace d’Iravera, de Galdu, de Launans qui sont passés directement dans le Pacifique après la transat sans faire comme nous le break d’une saison en Amérique du sud.
Par un joli sentier aménagé a l’ouest de Puerto Baqueziro, nous découvrons des criques étincelantes. Je me prends à rêver et à imaginer le Beagle du Capitaine Fitzroy en 1835, au mouillage dans l’une d’elles avec à son bord ce singulier monsieur que devait être Charles Darwin. C’est ici que ce jeune naturaliste anglais a quelque peu bousculé les dogmes religieux en confortant sa théorie sur l’évolution des espèces.

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Formalités pour se rendre aux Galapagos :

L’archipel des Galapagos a été classé « Patrimoine de l’Humanité » par l’UNESCO en 1978. Il est de ce fait soumis à des contraintes concernant, entre autres, le nombre d’habitants et de visiteurs que ces îles exceptionnelles peuvent héberger sans préjudice pour l’environnement. Le problème est que le tourisme représente une telle manne pour l'Équateur que tous les quotas ont volé en éclats. Les boutiques de souvenir, les « tours operators », les hôtels fleurissent partout dans les rues. Ces commerçants veulent gagner leur vie et font tout pour retenir les visiteurs. Des arrangements concernant les taxes sont donc parfois possibles car nous avons découverts que des agents ne déclaraient pas toujours votre passage (autrement dit qu’ils empochent la taxe qu’il vous font payer sans la reverser au Parc) Cela explique qu’il est difficile d’obtenir des retours d’expérience consistants sur les conditions de séjour aux Galapagos, car les conditions peuvent varier d’une année à l’autre, d’une île à l’autre, de l’agent par lequel vous passez…

Voici ce que nous avons compris :

1 – Vous voulez prendre le temps d’explorer l’archipel, être en règle, éventuellement vous rendre dans des mouillages protégés. La meilleure solution consiste à contacter un agent un à deux mois AVANT votre arrivée prévue. Voici les coordonnées de l’un d’eux, il y en a d’autres. Il vous en coûtera, selon la taille de votre bateau, environ 500 US$ incluant, la taxe pour se rendre dans le parc, les frais d’agent, l’immigration, la capitainerie.

2 – Vous ne souhaitez pas vous attarder dans l’archipel (caisse de bord à l’agonie, impératifs de dates etc…)

2-1 Vous contactez un agent à votre arrivée. Vous lui expliquez que vous n’aviez pas prévu de vous arrêter aux Galapagos (problème technique, manque de vent etc…) et que vous ne souhaitez pas séjourner longtemps dans l’archipel. Il peut essayer de négocier pour vous (ce n’est pas certain) auprès de la « Capitania » un séjour limité à quelques jours. Dans notre cas, nous avons la conviction qu’il n’a rien dit à personne et qu’il a gardé les 50$US que nous avions négociés. Futé, il a gardé nos documents sur le coude durant tout notre séjour, prêt à initier le processus dans le cas où aurions été contrôlés.

Vous vous rendez au bureau de l’immigration pour faire tamponner votre passeport, vous payez 15US$/personne.

L’avantage de cette formule est que vous êtes clairs vis à vis des autorités : En cas de contrôle, votre agent est en train d’effectuer les formalités. L’inconvénient est que vous ne pouvez visiter qu’une seule île sinon les autorités vous appliquent les conditions décrites §1.
Attention :
- Dans ce cas de figure, vous aurez indiqué, en effectuant les formalités de sortie lors de votre escale précédente, que votre destination N’ETAIT PAS les Galapagos mais les Marquises ou les Gambiers par exemple.
- Si vous prétextez un problème technique, les autorités peuvent venir à bord pour vérifier vos déclarations.

2-2 Vous séjournez dans l’archipel en clandestin sans contacter aucune autorité ni effectuer aucune formalité. Voulant garder l’esprit serein, nous n’avons pas envisagé cette possibilité.


La traversée Galapagos / Marquises

Le 12 mars, à la tombée de la nuit, nous appareillons pour « le grand bond en avant » comme disait Mao. 3000M (5400km) à couvrir, destination Fatu Hiva. Nous avons une pensée pour notre transat en 2005. Nous l’avions entamée dans un état de jubilation indescriptible. Là rien de tel, nous ne sommes pas blasés, mais bon, nous avons alignés les miles depuis et les grandes traversées ont perdu de leur romantisme ; et puis il faut bien dire que nous n’avons pas retrouvé à San Christobal la formidable ambiance de Mindelho.

Par petites conditions, poussé par le courant sud équatorial, nous descendons SW pour toucher au plus vite un alizé de SE plus musclé. Les jours succèdent aux jours, nous avons pris le rythme. La nuit, nous n’avons pas établi de quart à proprement parlé, nous dormons souvent tous les deux. Celui qui ouvre un œil va faire un tour d’horizon au radar et à l’extérieur puis repart au pays des songes. Il faut dire que nous n’aurons pas vu un seul bateau pendant quinze jours. Il n’y a plus grand chose à faire durant les traversées depuis que l’on a remisé le sextant au placard. On mange, au dort, on lit beaucoup, on refait le monde… Nous trouvons chaque matin une bonne dizaine de poissons volants sur le pont. Dominique se déchaîne sur la cuisine. La nuit on découvre de nouvelles constellations. La mythique croix du sud bien sûr gardée par Rigil Al Kantara et Agéna. Canopus, un peu plus au sud brille de tous ses feux, c’est la deuxième étoile la plus brillante du ciel après Sirius. Vénus est du matin en ce moment. Pour les observer, nous avons ressorti le petit fascicule de l’amiral Sizaire « le Guide des étoiles ». Il est tout jauni et tout corné, raccommodé avec du scotch. C’est lui qui m’a fait découvrir le ciel il y a de cela… quelques années.

Le 22 mars, 1500M au compteur, nous fêtons la mi-parcours. Dominique sort de je ne sais où, une grosse boite de confit de canard et une bouteille de grand Bordeaux. Elle a embarqué ces trésors clandestinement avant de quitter la France. « Je les gardais pour les grandes occasions ! » dit-elle. Elle fait rissoler les pommes de terres coupées en petits dés dans la graisse de canard, met le confit, laisse mijoter, et c’est tout le Périgord qui nous chatouille les naseaux… On se regarde en dégustant, tout doucement, à petites bouchées, à petites goulées ; nous sommes au milieu du Pacifique, le bateau marche bien… Nous allons être grand-parents pour la première fois dans deux mois… On en chialerait tellement c’est bon…

Le lendemain, le vent monte, la mer se forme, changement d’ambiance ! Nous allons passer quarante huit heures à nous faire « branler ». Le vent n’est pas très fort (20 à 30N) mais la mer est mauvaise avec plusieurs courtes houles qui se croisent ; nous avons l’impression de vivre dans une machine à laver. Nous pestons contre cette mer pas possible en nous disant que cela commence à faire un peu long. Puis les conditions redeviennent clémentes, 10 à 15N avec une mer maniable mais qui restera tout de même inconfortable jusqu’à l’arrivée. Les premiers jours nous aurons couvert entre 150 et 165M par jour. Six jours avant notre arrivée, le vent faiblit et la moyenne tombe à 130M par jour. Traversée sans histoire avec des bons moments mais ce n’est définitivement pas ce que nous préférons dans le voyage. Le père Moitessier était tout de même un drôle de bonhomme : Une boucle et demi en solo sans escale… Notez que je m’identifie tout à fait à ce grand navigateur lorsque je suis dans mon lit bien douillet en train de lire ses exploits dans le Grand Sud, mais lorsque nous sommes en mer, ce sont les arrivées que nous préférons…


Les Marquises

(Guide : La Polynésie des Charlies’s Charts, version française)

Les Marquises ont toujours hanté mes rêves. Après vingt jours de traversée, nous y sommes ! Nous abordons l’archipel par l’île de Fatu Hiva, la plus au sud. Les abords sont escarpés, les sommets cachés dans les nuages. Nous arrivons en vue de la Baie des Vierges en avançant doucement, comme pour faire durer le plaisir. Les six bateaux déjà au mouillage nous saluent avec effusion ; ils savent ce que l’on ressent en touchant ce paradis après une longue traversée. Nous mouillons par 18m de fond, nous nous asseyons sur le pond et nous admirons. Le paysage de falaises, de pitons, d’escarpements recouverts d’une végétation dense, est de toute beauté. Le village d’Hanavave est minuscule, les habitants sont d’une gentillesse confondante. Tout le monde se salue, on peut engager des discussions devant chaque maison. Nous rencontrons Serge et Cathie qui nous proposent un dîner marquisien dans leur maison (1700 francs polynésiens, soit environ 15 euros par personne) Cathie nous sert du porc, du cabri, du poisson cru mariné dans du lait de coco, et je ne sais plus combien de spécialités polynésiennes. C’est beaucoup plus que nous ne pouvons manger. Puis Serge sort la guitare et l’Ukulele et les chants de marin alternent avec les chants marquisiens...
Le lendemain, nous rencontrons Jean-Louis qui pousse une brouette de fruits destinés à un voilier. Il nous demande si nous troquons.
- Bien sûr Jean-Louis ! J’ai des jerricans de 30l en plastique, ça t’intéresse ?
- Heu… t’as pas plutôt du rhum et des clops ?
- Jean-Louis, tu sais que ce n’est pas bon pour la santé !
Il rigole…
- Que me donnes-tu pour une bouteille de rhum ?
- T’inquiètes ! Amènes ! (Amen ?)
- Je vais à bord chercher une bouteille de rhum vénézuélien et un paquet de cigarettes. Il revient avec plus de 20kg de pamplemousse, une quinzaine de kg de bananes et 5kg de citron vert.
Alors que nous chargeons l’annexe, j’observe un skipper sud africain qui, ayant assisté à notre manège, essaie maintenant de troquer un vieux tee-shirt contre des fruits. Je suis mort de rire en voyant la tête à Jean-Louis. C’est quand même fou la propension de certains à prendre les autochtones pour des cons !
Les « denrées » les plus appréciées pour le troc sont le rhum et les cartouches de 12 ou de 22LR pour la chasse aux chèvres et cochons sauvages. Ceci dit, excepté à Fatu Hiva où les marquisiens ont développé un bon sens des affaires, les fruits (et souvent les repas) nous seront offerts dans toutes les autres îles.

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Dimanche, nous allons à la messe à la petite église du village. Les chants, accompagnés à la guitare et à l’ukulele, sont magnifiques, très émouvants, plein de ferveur. Les marquisiens ont toujours cru au divin. Avant l’arrivée des blancs au XVIème siècle, ils adoraient une multitude de dieux qu’ils représentaient sous forme de « Tikis », ces sculptures en pierre que l’on trouve partout sur les sites archéologiques. Et puis les missionnaires sont arrivés, ils ont contraint les hommes à ne plus se tatouer, les femmes à se couvrir, à ne plus porter de fleurs dans les cheveux et, sacrilège, ont brisé les impressionnants phallus des Tikis. Les farouches et fiers guerriers qu’étaient les marquisiens de l’époque, ont alors cru que ces profanateurs en soutane, qui avaient osé casser les couilles à leurs dieux millénaires, allaient illico être réduits en cendres… mais il ne s'est rien passé. Alors ils ont admis que ce nouveau dieu asexué qu’on leur présentait serait désormais le leur.

Aux Marquises, chaque île, chaque vallée a son caractère propre. Les plus importantes sont habitées. Ces vallées étaient fort peuplées jadis (80000 personnes contre 7000 de nos jours) et abritaient des tribus qui guerroyaient perpétuellement entre elles pour préserver leur territoires, l’eau, la nourriture. A l’occasion on mangeait l’ennemi que l’on avait capturé. En 1920, un gendarme a été le dernier à passer à la casserole !

Au fait, savez-vous pourquoi ces îles s’appelle « Les Marquises » ? Ce nom a été donné à l’archipel par un capitaine de vaisseau espagnol en l’honneur d’une greluche qu’il avait à son bord, qui avait rang de marquise, et qui surtout était de la famille de son chef d’escadre. Voilà comment un lèche-bottes a effacé d’un coup de plume le nom original de ces îles : Ta Tenua Enata, la Terre des Hommes… C’était pas un joli nom ça !?

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Nous avons été effarés par la consommation de « paka » le cannabis local par les locaux, surtout les jeunes. La production et la vente sont devenues une véritable économie parallèle. Tous le monde le sait, les élus, les parents, les prêtres, personne ne fait rien comme si cela était un phénomène naturel… Des voiliers participent quelquefois au trafic. Les gendarmes effectuent bien des opérations ponctuels de temps à autres mais cela ne règle pas le problème. Nous verrons plus tard que ce phénomène s’étend en fait à toute la Polynésie.

Ile de Nuku Iva, Taiohae, le principal mouillage des Marquises (on peut y faire du gaz standard français). Nous faisons la sieste au milieu d’au moins trente bateaux. Soudain nous entendons des grands « splash », nous sortons et voyons au moins une vingtaine de petits requins de moins d’un mètre qui chassent des poissons qui ont trouvé refuge sous notre annexe à l’arrière du bateau. L’eau bouillonne. Certains poissons pour échapper au massacre sautent dans l’annexe. Dominique les prend en pitié et les rejette à l’eau ; ils sont aussitôt happés. Nous contemplons le manège en pensant que hier j’ai passé une heure dans l’eau à nettoyer la coque, puis, soudain, j’aperçois une belle carangue qui s’est mêlée à la curée. Je prends le fusil harpon et, de la jupe arrière, je l’invite à bord. Ma flèche est toute tordue, mais nous ferons plusieurs repas dessus. Il y a des requins partout en fait dans le Pacifique, mais aux Marquises nous n’avons jamais entendu parler de quelconque accident avec les squales.

Sur l’île de Tahuata, le village d’Hapatoni a gardé tout son charme. L'allée principale est pavée et bordée de « Tamanu » centenaires, l’arbre des rois, qui ont été plantés par la dernière reine Vaekehu II au XIX siècle . Nous décidons de rejoindre le village de Vaitahu par une belle piste de jungle qui surplombe la côte. Partout des bananiers, des manguiers, des papayers, des goyaviers. Un orage nous surprend alors que nous arrivons au village. Louise,(prénom changé), nous invite spontanément à nous mettre à l’abri dans sa modeste demeure. La discussion s’engage comme si nous nous étions toujours connus. Elle nous raconte sa vie en souriant. Elle a un beau visage, doux et lisse. A 79 ans elle est deux fois veuve. Elle a eu douze enfants d’un premier mari qui buvait beaucoup et la battait. Maintenant elle vit seule avec l’un de ses fils qui est un peu attardé mental.
- Que voulez vous, ce n’est pas étonnant, son père buvait tellement… Vous resterez bien avec moi pour manger ?
- C’est très gentil Louise, mais on ne veut pas vous déranger…
- Si, si ça me fait plaisir.
Nous prétextons une promenade dans le village pour remplir un sac à provision à la petite supérette. Elle fait l’inventaire de ce nous nous lui apportons :
- C’est quoi ça ?
- Des asperges en conserve, c’est bon, ça se mange avec de la vinaigrette…
- Ah bon, et ça ?
- Des olives vertes…

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Notre avons eu le coup de cœur pour la vallée d’Hakahetau dans l’île de Ua Pou. Nous recommandons chaudement au voyageur de s’y arrêter. Les habitants cultivent dans ce joli petit village un sens de l’accueil incroyable. Il y vit des personnalités très attachantes ; à rencontrer absolument : Tony et Célestine, Étienne et Yvonne, Pascal, Patrice et Tapita, Pierrot, l’ancien de la Marine qui tient avec Rose un snack où l’on mange bien et où l’on passe de bons moments. Tous ces gens-là sont d’une gentillesse confondante et ont des histoires passionnantes à raconter. Le mouillage est un peu rouleur, (9°21’3S / 140°06’3W) il faut mettre la pioche bien à l’est de la baie dans une espèce de petite crique. Le mouillage d’Hakahau, la ville principale d’Ua Pou au NE est mieux abrité mais le bourg a beaucoup moins de charme. Vous trouverez rapidement des marquisiens d’Hakahetau qui vous emmèneront à Hakahau en 4x4 pour faire les courses.
Comme chaque jour, nous passons bavarder avec Antoine (prénom changé), le graveur sur pierre. Il travaille sous un joli abri près de la rivière. Ce matin, Antoine est radieux, son sourire est lumineux :
- Salut Antoine, comment ça va ?
- Ça va bien
- Quoi de neuf aujourd’hui ?
- Mon fils arrive demain…
- Ah bon, mais il était où ?
- En France dans sa famille d’adoption…
- ….
- Un jour, il y a presque dix ans, un voilier est passé, la femme, elle ne pouvait pas avoir d’enfant… Alors on leur a donné notre dernier né, il était encore tout petit… Demain il revient avec ses parents adoptifs…
- Mais c’est super ça Antoine, tu dois être très content !
- Oui !
Le lendemain nous passons à nouveau devant chez Antoine. Sa bouche sourit toujours, mais pas ses yeux :
- Alors Antoine, comment il est ce fiston ?
- Il est bien…
- Mais il est où ?
- Ils sont repartis…
- …
- Il ne pouvait pas rester…
- Ah bon, mais il reviendra, non ?
- Oui, peut-être, un jour…

« Gémir n’est pas de mise aux Marquises… »

Après un tour des îles d’un mois et demi, nous somme revenus à Hakahetau pour faire nos adieux aux Marquises, cette vallée représente tout ce que nous avons aimé dans ce paradis. Il a fallu batailler ferme pour ne prendre que quelques dizaines de kilos de fruits : Bananes, pamplemousses, papayes, avocats, citrons verts, grenades, pommes de cythère, mangues, le « oru » le fruit de l’arbre à pain pour faire des frites délicieuses ! Le 12 mai au petit matin nous levons l’ancre pour les Tuamotu. Sur le balcon de la jolie maison de Tony et Célestine, on agite un linge en signe d’adieu ; nous répondons par de grands gestes, plus émus que nous voudrions le laisser paraître. Nous avons l’impression de quitter quelque chose de rare, de précieux.


La traversée Marquises, Tuamotu

480M (900km), conditions idéales les deux premiers jours : 12 à 17N de vent d’ESE, mer belle à peu agitée. Puis nous sommes encalminés. A peine un souffle de NW pour nous déhaler à 1N, 1,5N. Nous nous baignons, amarrés derrière le bateau, par quelques milliers de mètres de fond et, après une petite douche sur la jupe arrière, Dominique nous fait des crêpes au Nutella ; ensuite… ensuite carré blanc ! Le soir, bimini replié, nous dînons le nez dans les étoiles sous un superbe clair de lune. Nous attendons jusqu’à quatre heures du matin, pas un brin d’air, nous décidons de pousser au moteur…

Nous aurons malheureusement de la pétole jusqu’aux Tuamotu et finirons la traversée au moteur. Nous prenons l’atoll de Makemo au radar à 13M. A 12M les cocotiers émergent de la ligne d’horizon. La visibilité est excellente. C’est à peu près les distances où nous commencerons à apercevoir tous les atolls. Nous sommes en avance sur l’étale de marée, nous décidons donc de couper le moteur et de déjeuner, posés sur l’eau, avec les Tuamotu qui brillent sur l’horizon.


Les Tuamotu

(Guide : La Polynésie des Charlies’s Charts, version française)

Nous avons choisi d’explorer l’archipel du SE au NW pour bénéficier des vents de SE. Nous embouquons la passe NW de Makemo à 13h30, deux heures avant la haute mer (16°26’7S / 143°58’S). Les guides recommandent de passer à l’étale, mais le soleil est haut et nous voulons profiter de cette bonne lumière. La passe est large d’environ 80 mètres, profonde d’une vingtaine de mètres, saine de tout danger. Le courant est entrant d’environ 2N. L’entrée est facile. Nous suivons le balisage latéral et allons mouiller à environ deux miles de la passe, sous le vent d’un motu. L’eau est d’une limpidité incroyable. Nous avons repéré un espace de sable où nous posons notre pioche dans 15m d’eau. Je constate avec plaisir que nos cartes numériques à grande échelle sont bien positionnées. La trace du logiciel de navigation figure pile au milieu de la passe. Les cartes à petite échelle présentent une erreur d’environ deux miles. J’avais noté aux Marquises que certaines copies de cartes papier, que j’avais commandées chez un site de voileux en France, étaient également mal positionnées d’environ deux miles.

Le lendemain, ce que je redoutais est arrivé. L’ancre est bien posée sur du sable mais la chaine est engagée sous une petite patate de corail. Je me mets à l’eau à l’avant du bateau et je guide Dominique pour essayer de la dégager. Avant, arrière, à droite, à gauche. Rien à faire. Je décide de descendre. 15 mètres, je flirte avec mes limites de soixantenaire. Au fond je constate qu’il me faudrait pour la sortir produire des efforts incompatibles avec la profondeur. De nouveau nous essayons au moteur. La chaine commence à coulisser et finalement, Neptune, pensant sans doute que nous n’avons pas démérité, la patate cède. Ouf ! Nous sortons deux heures et demi avant la basse mer. Les remous dans la passe sont assez impressionnants mais négociables sans problème. La mer est belle et il n’y a pas de vent. Nous mettons le cap sur l’atoll de Tahanea, heureux comme des pinsons d’avoir pu récupérer notre chaîne et notre ancre. Pour féliciter son Tarzan de capitaine, Dominique nous fait des chapatis à la vache qui rit et au saucisson… Hum… Il y a quelques années la récompenses aurait été de toute autre nature, mais bon…

Nous rejoignons l’atoll de Tahanea distant de 50 miles au moteur. (16°51’S / 144°41’W) La passe est large (400m) et saine. Il n’y a pas de balisage mais les « cayes » sont bien visibles après la passe. Nous avons la bonne surprise de retrouver nos amis de Pros’Per Aim qui vivent là en Robinson depuis une semaine. C’est très émouvant de se retrouver ainsi sur un atoll désert, nous avons évidemment plein de chose à nous raconter. Nous nous suivons en pointillé depuis Puerto Bello au Panama. Pendant notre séjour dans cet atoll le vent va s’établir secteur nord 15 à 25N. Il passera ensuite W, SW, S pour finalement revenir SE. C’est le vent tournant habituel aux Tuamotu lorsque de grosses dépressions passent dans les hautes latitudes. Le mouillage, sur 8m environ, est constitué d’un plateau de sable blanc et de patates de corail. Un beau mérou bien imprudent nous observe de son abri juste à côté du bateau. Nous avons décidé de pas manger de poisson, donc de ne pas chasser aux Tuamotu. Dans la plupart des atolls, notre guide nautique nous met en garde sur les risques de ciguatera. Celui de Tahanea fait exception paraît-il mais nous ne voulons pas tenter le diable. Nous nous apercevrons plus tard qu’en fait on peut consommer sans problème quantités de poissons dans l’archipel, en particulier les perroquets et les mérous marbrés. Les paumoutus nous ont cependant recommandé de ne pas chasser au même endroit plusieurs jours de suite à cause des requins qui comprennent vite qu’un chasseur sous-marin peut signifier repas offert…. Nous voyons effectivement des requins à chaque sortie mais ils ne sont pas très gros (2m maxi) et pas du tout menaçants, nous nous y habituons vite.

En quittant notre premier mouillage dans l’atoll de Tahanea, nous rencontrons de nouveau des problèmes pour dégager notre chaine. Trouvant cela un peu agaçant, nous décidons de prendre des dispositions pour mouiller selon la technique que nous a indiqué un ami qui a bien bourlingué dans les Tuamotu. Nous allons dans le village abandonné récupérer quatre bouées qui servaient aux fermes perlières. Il y en a des centaines échouées partout dans les atolls. La technique est la suivante :
- Laisser filer l’ancre sur une longueur environ égale à la profondeur, puis, avec un bout, frapper la première bouée sur la chaine (un mousqueton facilite la tâche)
- Laisser filer de nouveau, frapper une autre bouée et ainsi de suite tous les cinq à six mètres. De cette manière, lorsque le bateau évite, la chaine, qui flotte entre deux eaux, n’accroche pas le corail.
- Les bouées se récupèrent sans problème en relevant le mouillage.
- Notez que cette technique n’évite pas à l’ancre de crocher dans le corail, mais s’il n’y a que l’ancre, on arrive la plupart du temps à s’en sortir en manœuvrant au moteur. L’autre avantage de ce procédé est que l’on abîme beaucoup moins le corail. Nous avons rapidement abandonné la mise en place de l’orin sur l’ancre car il se prenait systématiquement dans le corail.
Les bouées que nous avons mesurent 30cm de diamètre. Elles sont un peu trop grosses et mal aisées à stocker. Je pense que des bouées plus petites feraient l’affaire.

L'atoll de Fakarava est l’un des plus grands (40M) et des plus fréquentés des Tuamotu. (16°31’S / 145°27’W) C’est une destination de plongée renommée. La passe sud ne présente aucune difficulté, l’alignement est bien visible. Nous nous rendons en dinghy vers la sortie de la passe lorsque le courant commence à rentrer après la basse mer. Je m’attache l’annexe au poignet par un bout d’une vingtaine de mètres et nous entrons dans le lagon en nous laissant dériver. Nous descendons en apnée faire coucou aux requins que nous voyons en grande quantité. Les fonds ne sont pas extraordinaires. Nous avons faits de plus belles plongées aux Roques. Nous rejoindrons la passe nord de l’atoll par le lagon en suivant le marquage latéral.

Mouillage de l’anse Amyot au NW de l’atoll de Toau (15°48’S / 146°09’W). Disons-le tout de suite, ce fut de loin notre meilleure escale aux Tuamotu. La passe est très facile d’accès. Deux familles vivent là. Rose et Gaston proposent des repas aux langoustes incluant le mouillage sur corps mort, Snow et Liza tiennent une pension pour les club de plongée qui viennent de Fakarava. L’endroit est superbe et l’accueil charmant. Vous pouvez chaque jour participer aux activités des familles : Relevé des parcs à poissons, excursions dans le lagon vers d’autres motus, chasse sous-marine, récolte du coprah, traitement et récolte des huitres perlières. Snow a tout fait ici. Il a commencé sous une tente avec Liza : débroussaillage, plantation des cocotiers, construction de bâtiments en dur. Le cyclone en 1983 a tout détruit. Avec l’aide des équipages de deux voiliers français de passage il a tout reconstruit. Depuis, chaque jour il plante un cocotier. Si un membre de ces équipages pouvaient lire ces lignes, sachez que Snow serait très touchés d’avoir de vos nouvelles.

Atoll d’Apataki. Passe sud facile, large d’environ 100m, alignement clair, marquage latéral (15°34’S / 146°25’W). Nous allons mouiller près du beau motu de Rua Vahine (15°36’4S / 146°20’5W). Les 4M pour s’y rendre sont sans danger et, oh joie, il y a un platier de sable où l’on peut mouiller « normalement ». Le lendemain le vent est passé NE rendant le mouillage inconfortable. Nous décidons le mettre le cap sur Tahiti.

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Nous avions quelques appréhensions concernant la navigation dans les Tuamotu. Bougainville lors de son passage en 1769 n’avait-il pas nommer cet immense archipel « les îles dangereuses ». Le GPS a bien sûr tout changer. La navigation entre les îles ne présentent plus aucune difficulté. Les conditions de franchissement des passes, ainsi que les mouillages dans les atolls, dépendent en fait des conditions météos. Par conditions normales, la plupart des entrées et sorties des passes sont aisées si l’on ouvre l’œil et que l’on est prudent. Par mauvais temps, vent fort et/ou grosse houle de sud, tout peut se compliquer. La forte houle passe par dessus la barrière de corail et fait monter le niveau des eaux dans les lagons ce qui peut provoquer de très forts courants dans les passes. Il faut également bien anticiper les points de mouillage en cas de vent tournant lorsque des dépressions passent dans le sud.
Les conditions en juillet et août sont parfois rendues difficiles par le Maramu qui peut souffler du sud à 30N. Il est dans ce cas important de bien mouiller sous le vent d’un motu et de ne pas se retrouver acculé à la barrière de corail avec un fetch qui peut atteindre 40M dans les plus grands atolls. Nous n’avons jamais tenté d’accéder aux atolls réputés d’accès difficiles comme Aratika. La navigation à l’intérieur de certains atolls est aisée, comme à Fakarava ou Apataki.
On peut recevoir les bulletins météo sur Radio Tahiti (738 kz). François et Frédérique, Jeanne et Jean-Marc animent le « radio cocotier » polynésien sur 13940 Mgh tous les jours à 17h00, heure de Tahiti. Ils sont extrêmement sympathiques et toujours prêts à rendre service. La BLU reste un moyen bien agréable de rester en contact avec les amis qui croisent dans le Pacifique.


Tahiti, Papeete, Raiatea …

Nous arrivons à Papeete avec une belle lumière et une mer clémen