L'email par radio hf, article pour béotiens


Comment établir une connexion radio à internet, notamment pour l’envoi et la réception email, à partir d'un poste radio amateur ou d'un poste BLU ?

Bon d'accord, Michel a déjà fait un article là-dessus, mais c'est un RA (je cafte).

Le principe

l 8217 email par radio hf article pour beotiensVous avez une radio émettrice réceptrice HF à bord, un ordinateur, un logiciel ressemblant comme deux gouttes d'eau à Outlook Express et consorts, un modem et une antenne. Avec ça, vous lancez votre message sur les ondes. Une station à terre le réceptionne, le démodule et le transmet automatiquement sur internet.

On parle de radio amateur ou de BLU ?

Les deux, mon capitaine. Dans la forme, les deux appareils sont d'ailleurs identiques. BLU, ça signifie Bande Latérale Unique. C'est un procédé de modulation au même titre que la FM, que l'AM…..Un poste radio amateur permet d'accéder à tous ces modes : c'est donc aussi un poste BLU. Techniquement, et pour info, la BLU utilise la puissance de l'émetteur uniquement lorsqu'il s'agit de véhiculer de l'info, contrairement à la FM ou l’AM qui, elle, dissipe de l'énergie en permanence pour véhiculer une onde porteuse. Le mode de transfert par BLU a donc un bien meilleur rendement que les autres modes, d'ou son utilisation en longue distance (en Dx pour parler RA.)
La BLU marine utilise les bandes des fréquences marine, qui s’échelonnent de 1,7 à 26MHz, et représentent au total environ 15% de la bande HF .
Les postes radio amateurs accèdent en général à la grande majorité des fréquences. Ils ont juste un droit d'écoute sur les bandes professionnelles telles que pompiers, avions, etc., mais les fréquences sur lesquelles ils ont des droits en émission représentent environ 10% de la bande HF qui nous intéresse , dans des bandes qui varient un peu selon les zones :

  • 50KHz vers 1,75MHz (160m)
  • 300KHz vers 3,5MHz (80m)
  • 100KHz vers 7MHz (40m)
  • 100KHz vers 10MHz (30m)
  • 350KHz vers 14MHz (20m)
  • 50KHz vers 18MHz (17m)
  • 450KHz vers 21MHz (15m)
  • 50KHz vers 24MHz (12m)
  • 1700KHz vers 28MHz (10m)S
  • Sans oublier la bande « CB » où tout le monde peut aller sans licence de 26 à 28MHz.

Comme les législations des pays diffèrent, les constructeurs fabriquent des appareils avec toutes les options (plus de puissance, plus de canaux). Un petit coup de cutter sur le circuit imprimé avant de passer à la douane, et voilà l'appareil conforme à la législation de son pays d'accueil. Un bon bricoleur doit donc pouvoir booster sa radio. Pour ce qui est des postes RA (radio amateurs, donc), ils disposent en général d'une couverture générale de  1,7 à 30MHz en réception, et peuvent être « déplombés » assez facilement pour la couverture émission, y compris pour les bandes marine.

Radio amateur ou BLU ?

Intérêt du premier : couverture mondiale et quasi gratuité d’utilisation (sauf une taxe modique, environ 500F/an en France), esprit d’entraide et de bénévolat. Ca devrait suffire ?
Intérêt du deuxième : heu… Si je dis que c'est plus "légal", j'ai bon ? Parce qu'en mer, on est sensé utiliser la bande marine, donc une BLU marine. Les BLU « marine » sont plus chères que les BLU « Radio Amateur » à performances égales ou inférieures ! Les stations BLU à terre sont exploitées commercialement, payantes donc (sauf une, notable, dont nous parlerons plus loin), ces stations ne sont pas toujours plus puissantes que celles des radioamateurs des réseaux, leur portée est similaire.

La propagation, telle est la question

La qualité des réceptions radio dépend du matériel mais aussi des conditions météo et du facteur de " propagation " des signaux. Les ondes émises par une station radio se déplacent en " rebondissant " entre la surface de la terre et les couches de la stratosphère. La propagation dépend donc, entre autres, de la composition de l'atmosphère à un instant donné (influence de la météo) et de la topologie des paysages terrestres parcourus par l'onde. Il est important de remarquer que, dans le cas des marins, la surface lisse et plane de l'océan constitue un excellent milieu favorisant la propagation des ondes radio. La portée des ondes radio en milieu marin s'en trouve donc accrue. A terre, les radio amateurs dépensent des fortunes pour construire des antennes géantes voire directives, objectif : attraper les stations les plus lointaines possibles. Sur un bateau, pour envoyer ou recevoir un email, le problème est un peu différent : on va viser un contact avec la station " netlink " à terre la plus proche possible. Celle-ci fera le relais sur internet. Point besoin d'antenne coûteuse à bord.

La radio amateur est-elle légale à bord ?

Mouaif… Ca a l'air plus que toléré, un seul cas a été reporté en Australie, où le gars s'est fait un peu tirer les oreilles. Pour passer au micro, tu as le droit d'utiliser la bande CB (citizen band) avec 4W au maximum. Après, il faut avoir une licence.

Faut-il une licence ?

l 8217 email par radio hf article pour beotiensDans les deux cas de la radio amateur et de la BLU, oui. Le passage de la licence est le seul moyen d'obtenir un code d'appel. Ce code est unique et est attribué à vie. Le code RA de Gunnar Lundgren (l’un des inventeurs de Winlink), par exemple, est SM4TQO.

La licence radio amateur, c'est bien le problème de la radio amateur. Parce que c'est pas une balade de santé ! En France, il existe 4 types de licences. Si l'on veut avoir accès à toutes les fréquences et à toutes les classes d'émission (notamment en ce qui concerne la transmission de datas), il faut passer la licence E. Examen théorique, donc, et il y a quelques difficultés sur la route de son obtention. En autre, il faut apprendre le morse ! Vraiment con comme idée, alors que le morse a été abandonné. Apprendre le morse, ça veut dire être capable de crypter et décrypter à l'oreille plus de 12 mots à la minute, dur, dur. Les autres épreuves sont à l'avenant, connaissances en électrocinétique, condensateurs, électromagnétisme, courants alternatifs, transformateurs, mesures électriques, électroacoustique, rayonnement et propagation, modes de transmissions, transistors à jonction et à effet de champ, amplification de tensions apériodiques, émission et réception et antennes, un vrai bachotage, tout ça pour pouvoir ensuite dire des banalités aux RA des antipodes.

On trouve des cours auprès des associations de radio amateurs pour quelques centaines de francs. La licence en elle-même coûte dans les 100 F. En France, il faut également obtenir l'agrément de la candidature par le CSA et que l'installation réponde aux normes techniques imposées par l'Administration. Ailleurs qu'en France, comme de juste, c'est plus facile. Ce qu'on peut faire, c'est passer la licence aux USA, c'est plus facile, pas de morse non plus. Enfin, la palme de la simplicité : prendre une licence dans les Caraïbes, à Grenade. La licence et l'indicatif s'y achètent sans autre forme d'examen que celui de la solvabilité du chèque. Tant qu'on l'utilise en grande croisière…

Quel matériel faut-il et à quel prix ?

On suppose que vous avez déjà un ordinateur à bord.
Il faut :

  • Une radio amateur ou une BLU : compter de 6 à 12 000 francs, selon que le matériel est neuf ou d'occasion
  • Un modem : de 1000 à 4500 F selon les modèles.
  • Une antenne : quelques dizaines de francs de ligne électrique et de câble coaxial.
  • De la connectique : quelques dizaines de francs pour aller de la radio au PC via le modem
  • Obligatoirement, un tuner ou coupleur d'antenne, si la radio achetée n'en possède pas un intégré.

RA gratuite et bandes marines payantes ?

Pourquoi les transmissions en radio amateur seraient gratuites et celles en bandes marine non ? Parce que tu es une vache à lait, ami plaisancier. Pour pouvoir transmettre un email par BLU marine, tu dois souscrire à l'un des services suivants : Globe Wireless (le seul ayant une couverture mondiale), Pinoak Digital ou Seamail. Juste un exemple de prix : Globe Wireless, 20$ par mois pour 40 kilobits d'usage (émission et réception sont comptées), 40 $ pour 120 kbts. Pour mémoire, une phrase telle que "Bonjour maman il fait beau j'ai des coups de soleil sur les pieds tout va bien Ginette t'embrasse au revoir", c'est déjà plus d'un kilobit. Après, si on dépasse le forfait, c'est plus cher, ben voyons. Avec Pinoak, on commence par payer 2000 $ : disqualifié ! Et Seamail ne marche qu'en Australie.

A l’inverse, les réseaux de messagerie radioamateur sont assurés par des bénévoles , qui le font pour leur plaisir et le plaisir d’être utiles. Ils ne demandent en échange que de respecter certaines règles d’usage pour ne pas bloquer le réseau : limiter les messages au juste nécessaire s’il y a affluence d’appels, ne pas répéter indéfiniment les appels qui bloquent les autres etc..

Il faut aussi savoir que dans certains pays , les messages peuvent avoir un contenu quelconque, alors qu’en France par exemple, seuls les messages techniques radio ou de sécurité vitale sont permis : la station relais à terre peut avoir des ennuis avec son administration si on se sert du « net »   pour autre chose.

Sail mail , un espoir pour la bande marine

Sail mail, c'est un peu une association de radio amateurs qui n'utiliseraient pas les bandes amateur mais les bandes marines, des marins, en somme. Le système fonctionne exactement de la même façon que la radio amateur (même logiciel, même modem, même automatisme), mais sur la fréquence marine. L'association demande une cotisation annuelle de 200 US$. Seul hic : Sail Mail n'a pas autant de stations à terre que les radio amateurs, et la couverture radio ne s'étend que sur le Pacifique. On espère que cette couverture va s'améliorer (voir leur site www.sailmail.com)
C’est un peu l’équivalent de l’association M.E.R qui assure un service d’urgence sur les bandes marines, mais en phonie (voir l’article M.E.R).

Quel logiciel choisir et comment s'en servir ?

Pour e-mailer par radio, on utilise un logiciel de messagerie spécialement dédié. Le leader, c'est Airmail, il s'agit d'un freeware disponible sur www.airmail2000.com . On l'utilise comme un logiciel de messagerie standard (écrire le message, mettre l'adresse email), en dehors de ceci : au lieu de se connecter par ligne téléphonique à un provider type Wanadoo et consorts, l'ordinateur se connecte par radio à l'une des stations radio à terre. Laquelle ? Bonne question. On a en effet le choix entre plusieurs stations et plusieurs fréquences pour chaque station. On choisit la station la plus proche et la fréquence qui devrait offrir la meilleure réception d'après une liste mise à jour tous les mois et disponible sur le site Winlink. Cette liste paraît un peu absconse au début, mais on y voit rapidement quelles fréquences utiliser de préférence en fonction de l'heure et de l'endroit où se trouve le bateau.

A quelle vitesse se fait la connexion ?

Une fois que la station choisie a répondu à votre appel, la transmission commence. La vitesse de celle-ci est de 200 bauds avec le modem Pactor I, et de 1200 avec le modem Pactor II. Ce sont des vitesses théoriques, la vitesse réelle dépend de la qualité de la connexion. Typiquement, avec un modem 200 bauds, on envoie un message de 1000 caractères (c'est à dire 10 phrases comme notre phrase exemple citée plus haut) en deux minutes. En comparaison, cela prendrait une seconde avec un téléphone portable normal (9600 bauds) et cinq secondes par satellite (2400 bauds). Or, même si avec un radio amateur, le temps est gratuit, la « déontologie » est de ne pas accaparer le « net » plus de 5 à 10mn, surtout s’il y a du monde !

Peut-on envoyer des photos ?

La réponse est claire : NON ! sauf en local. Avec le modem Pactor II, il faudrait environ 45 minutes pour transmettre une image de 200 kbts, et encore, quand la connexion est bonne : on bloque tout le réseau, y compris pour ceux qui ont des appels d’urgence à passer !  A l’avenir ce sera peut être possible… ça dépend des progrès en terme de compression.

La transmission d'emails est-elle instantanée ?

Négatif. Les stations radio collectent les différents mails, puis les envoient par paquets. Un email expédié par radio met donc entre 3 et 6 heures pour attendre sa destination. Ca suffit pour avoir la réponse le lendemain.

Quelle adresse email pour le bateau ?

L'adresse du bateau est composé à partir de son indicatif radio. Par exemple, si vous voulez écrire au bateau Yellow Rose et leur donner un bonjour de ma part, composez votre message à l'adresse KB3ABM@mlb.win-net.org. Pas très photogénique, mais efficace. KB3ABM est donc l'indicatif, et le mlb signifie que la station-provider actuelle du bateau est Melbourne. Si Yellow Rose voyage en Afrique du sud, il va sans doute choisir une station-provider plus proche de lui : Durban. L'adresse email va donc changer. Pour récupérer les courriers au bon endroit, il faut donc : soit informer ses potes du changement de station et donc d'adresse à chaque déplacement, soit prendre une adresse définitive sur le web (hotmail, yahoo, etc) et indiquer soi-même, dans les fonctions de forwardage, l'adresse actuelle du bateau.

Y a t-il des restrictions d'utilisation

Pour ce qui est de la radio amateur, la seule limitation est qu'il est interdit de s'en servir à des fins commerciales, mais on est là pour faire du bateau, pas de la pub ! Ca n'interdit pas d'envoyer des mails à ses amis ou sa famille, mais théoriquement pas a son patron ou sa secrétaire ( mais si, c’est une amie !). Les radio amateurs français vont se récrier, parce que l'on est sensé ne faire passer que des informations techniques, de manière à ne pas concurrencer France Télécom. Outre que je ne suis pas actionnaire de ladite entreprise, j'ai un peu du mal à trouver des cabines téléphoniques au milieu de l'eau. La radio est très prisée, notamment par ceux qui naviguent en solitaire. C'est aussi un bon truc pour la sécurité. Enfin, les rares conversations entre marins et parfois avec la terre valent bien les conversations techniques entre RA. Non ?

Quel matériel choisir ?

l 8217 email par radio hf article pour beotiensEn ce qui concerne les radios, amateurs ou BLU, les références sont Icom, Yaesu et Kenwood. Il faut étudier avec soin la qualité des filtres de la radio, et notamment vérifier la présence d'un filtre spécial pour les données numériques. La plupart des BLU n'ont pas de tel filtre, les BLU étant principalement prévues pour un usage vocal. Si l'on choisit une radio amateur, il faut vérifier que l'on peut aller sur la bande maritime, ou que l'on peut bidouiller sinon. Les nouveaux modèles sont difficiles à bidouiller paraît-il.
Les modems radio, aussi appelés TNC, sont au nombre de trois :

  • Le PK232 (Pactor I), construit par AEA, environ 1 000 F
  • Le Kantronic Kam +, par Kantronic
  • Le PTC2 (Pactor II), fait par SCS, environ 4 500 F. Un modèle simplifié, si on ne veut pas créer un serveur, est à 3000f( PTC2E)

Deux petits mots sur ce Pactor II. Il est bien cher, mais il y a une raison à cela. Il est en effet cinq fois plus rapide que le Pactor I. De plus, ce modem adapte la puissance radio à la valeur efficace minimale, de manière à utiliser le moins d'énergie possible. Actuellement, les recherches s'orientent vers le modem logiciel, utilisant la carte son pour décrypter les signaux transmis par la radio. Voir avec les spécialistes.

Quid de l'antenne ?

Si vous avez déjà installé une antenne pour la BLU en phonie, c'est pareil. En réception, il suffit de prendre du câble électrique, en cuivre c'est mieux, section indifférente, le seul truc c'est que plus l'antenne est longue, meilleure est la réception.
On peut donc la faire longer le pataras, ou même utiliser le pataras s'il est isolé. Le fil d'antenne court donc de haut en bas du pataras. En bas, on le connecte sur le câble coaxial qui mène à la radio. Cette connexion doit être soigneusement faite par soudure.

En émission, c’est plus sérieux, si on veut faire autre chose que parler au voisin de mouillage, il faut éloigner le fil du gréement, annuler les perturbations par les câbles de datas, qui plantent tout, etc (voir le site winlink.org/k4cjx)

Les radios « marine » récentes ont pratiquement toutes des tuners intégrés maintenant. Sinon, c'est indispensable  d'en mettre un. Le tuner règle la longueur fictive et efficace de l'antenne en fonction de la longueur d'onde que l'opérateur utilise.
(Voir aussi l’article « radio à bord »)

Consommation électrique

Les radios amateurs et autres BLU ont une puissance maximum de 100 W à l'émission, soit environ 200w sur le 12V. En datas, c’est du 50% de temps d’émission environ, donc la conso est sérieuse : à peu prés 10AxH par heure d’usage (2 fois le frigo !). Comme en VHF, il est possible et même conseillé de réduire la puissance au minimum nécessaire.

Emission de faxs gratis

Avec une connexion HF-internet, on peut envoyer des faxs gratuitement depuis le milieu de l'eau. Pour envoyer un fax à Machin Truc au 01 11 11 11 11 au Botswana, il suffit d'envoyer un message email avec pour adresse : remote-printer.Machin_Truc@2670111111111.iddd.tpc.int et le tour est joué. 267 est le préfixe TPC pour le Botswana. On trouve la liste des préfixes TPC sur www.tpc.int.

Et c'est pas fini

Par HF, et surtout par radio amateur, une fois terminé de jouer avec l'internet, on peut encore : converser en "chat" direct avec un autre bateau, discuter de vive voix à des centaines de milles avec un autre bateau, demander une assistance médicale, réceptionner les bulletins Navtex, des faxs météo, des cartes morse et Sitor…

Essayez d'en faire autant avec Iridium !

Voir aussi :
La radio a bord (michel)
M.E.R (gérard)
Reception fax meteo (michel)
Meteo à bord par GSM (robert)