La quête du graal


La quète est longue et difficile, mais le "Quetzal" remplace enfin le "Vardes"..

1. La quête du Graal : pourquoi ?

la quete du graalNous avons tous deux 56 ans, nos 3 enfants ( 4 en comptant large) sont quasiment autonomes, et je serai bientôt libéré à mon grand soulagement des obligations professionnelles. Le temps est venu des grands projets de liberté !

Nous avons eu jusqu’à présent deux bateaux : le premier, le « Vardes », construit en amateur il y a 25 ans en contre-plaqué plastifié (genre « Kit-Marine ») et qui n’a connu que le tour de France et d’Espagne par manque de vacances, et le second depuis six mois, le « Quetzal », un SunfizzDL en cours de réaménagement pour des voyages plus sérieux.

Les mésaventures de la construction amateur de 1975 n’ont guère d’intérêt, malgré le contenu affectif énorme de ce premier bateau. Totalement révisé en 90, certains détails de rénovation encore d’actualité seront bientôt décrits dans d’autres chapitres de « hisse-et-oh » (voir « construction » et « trucs et astuces »)

Ce petit article « la quête du Graal » raconte le cheminement avant d’arriver à l’achat de notre second rêve, chemin que beaucoup d’entre vous risquent de parcourir, avec des bifurcations différentes !(que le proprètaire du "Lubecke" ci dessus, rencontré au hasard de nos périgrinations ne nous en veuille pas, mais son bateau méritait vraiment une photo! c'est peut être ça le "Graal"!)

1.1. Le programme de navigation :

Les réflexions qui ont amené à acheter une bonne occasion plutôt que de modifier ou reconstruire ont été longues : elles commencent évidemment par la question « que veut-on faire ? ». La réponse à cette question ne doit pas être « on veut un bateau ! », mais plus profondément « quel est notre programme de vie à bord et de croisière, et quels capital et somme de travail peut-on y consacrer ? ». Le « quetzal » n’existe alors pas encore dans nos têtes, nous en sommes encore au « Vardes ».

Quand et combien de temps ?
Notre programme, suffisamment motivant pour attaquer de grands travaux ou manger notre capital (ou les deux..), est de naviguer au moins 3 mois par an, de l’Europe aux Canaries, dès que le plan social est décidé (à 56 ans et ¾ si tout va bien...), et ce jusqu'à ce que nos doigts ne puissent plus serrer les amarres (10 ans ? 20 ans ?..)
On naviguera surtout en été, mais le plaisir de trouver des mouillages libres à la Cala Covas et de la place à quai à Ciudadella peut amener à déborder sur le Printemps ou l’Automne.

Où naviguer ?
La zone de navigation ne doit pas être trop restreinte : le bateau doit être confortable aussi bien sous un climat méditerranéen (soleil et frigo, vie extérieure d’abord !) que breton (bien abrité, vie dans le carré !).
Le futur « Vardes 2 » doit être capable d’aller partout, même si on n’y va pas ! (à l’exception peut-être des quarantièmes rugissants, car on n’a vraiment rien à y faire)

Comment ?
On vivra parfois au port, car les îles grecques méritent de longues visites et on attendra souvent des équipiers à l’avion de Paris ou au Ferry de Barcelone...
Il y aura beaucoup de temps au mouillage, car le farniente, la plongée et la planche ont leurs exigences
Quant à la navigation proprement dite, ce n’est qu’un moyen pour changer de place ! Les traversées probables vont d’un jour ou deux entre les îles, à une semaine pour le Cap Vert.
Fera-t-on la transat des alizés ? (ou transat des retraités..), dans ce cas c’est au moins quinze jours entre Canaries et Antilles...(N’en parlez pas encore à la famille, mais je suis assez décidé à la faire !)
On naviguera souvent à 2, car tout le monde n’a pas 3 mois de vacances ; parfois à 8, avec les copains, amis, enfants et assimilés, tout ce monde étant en général en couple, et pouvant un jour amener la troisième génération !

En lisant ce résumé, on comprendra que les conclusions peuvent être bien différentes pour un tour-du-mondiste solitaire par les quarantièmes rugissants !

1.2. Ses conséquences principales :

Les conséquences principales du programme sur le type de bateau idéal (pour nous , pas pour vous, bien sûr !) permettent de cerner ce qu’on veut comme « Vardes 2 »:

La polyvalence du bateau :
Ni « course », ni cuirassé Potemkine, ni fifty, ni, ni… mais robuste, éprouvé, confortable, etc, etc…

La manoeuvrabilité :
Le « Vardes 2 » doit être manœuvrable par 2 retraités moyennement sportifs. Il doit limiter au maximum la fatigue pendant les traversées et les quarts, bien marcher à la voile dès force 3-4, faire 7 nds au moteur pour arriver vite malgré la pétole, et l’équipement doit être bien adapté (accastillages, aides à la navigation), le cockpit et la navigation doivent être confortables.

La sécurité :
Pas de compromis, car on ne vit qu’une fois (c’est bizarre comme les jeunes acceptent plus les risques que les cinquantenaires moins rugissants...)
L’ insubmersibilité , malgré la perte de volume intérieur associée, peut-elle être envisagée ? En tout cas, toutes les mesures simples doivent être prises pour sécuriser les traversées si on ne navigue plus sur les autoroutes Costa Brava-Baléares ou Toulon-Corse.

La vie à deux doit être optimisée :
La cabine de proprétaire doit être vraiment agréable, la hauteur sous barrots doit être de 1,90 m minimum dans le carré, car un fils et un copain fidèle font 1,90 !
Pour vivre longtemps à bord sans courbatures et sans se lasser, il faut l’eau chaude, des rangements vastes et bien organisés, une couchette large, une cuisine optimale, etc
Pour échanger les nouvelles avec les copains, il faut la station BLU (ah oui, j’oubliais : je suis en plus radio-amateur..), et un coin bureau, ordinateur, montage vidéo, etc

L’autonomie :
Pour ne pas faire tourner le moteur si on n’a pas envie de bouger, il faut être autonome en énergie : on ajoutera panneaux solaires, éolienne, alternateurs ou groupe. Pour n’aller au port que s’il nous manque il faut être autonome en eau, avec de grands réservoirs ou un dessalinisateur .
Pour se dépanner seul sur le maximum de réparations, il faut beaucoup de rechanges, d’outils et un coin atelier bien agencé.

La grande croisière à quatre ou six doit être idéale :
Si on veut que nos amis et nos enfants nous rejoignent pour les vacances, il faut qu’ils y soient bien. Une ou deux cabines fermées indépendantes de plus, en gardant des couchettes auxiliaires pour les quarts, avec encore beaucoup de place pour les vélos, jouets, réserves et accessoires. Les vacances à huit sont encore possibles
mais on accepte d’être serrés…

Conclusion provisoire :
Il nous faut en gros un 12m, car c’est la taille du « Vardes » et on ne peut pas descendre en dessous (tiens !), d’un plan éprouvé (pas trop « amateur »), pas trop lourd (on n’a que deux bras chacun), de préférence à tirant d’eau réduit (on veut entrer dans la cala Addaya !), avec aménagement genre « propriétaire » et équipé « grand voyage » (du boulot a prévoir mais en un an maxi). Hélas, dernier petit problème, il faut en plus qu’il rentre dans un budget ! (pas pour vous ?)
Vous avez constaté qu’on ne parle pas encore de type, de matériau ou de plan de pont ! Ca va venir !

2. Mort ou renaissance du « Vardes » ?

la quete du graalNotre glorieux « Vardes » de 25 ans était-il adapté à ce programme ou fallait-il changer de navire ? ?
Ce cruel dilemme fut à la fois sentimental et budgétaire, et la conclusion délicate!
On adoptera dans l’analyse budgétaire qui suit la convention monétaire courante pour les grosses sommes : 1U=10KF, (pour l’évaluation sentimentale, l’unité est la larme normalisée, ou le nombre de punch pour faire passer la pilule…)

Le budget approximatif à puiser dans le capital familial pour le nouveau « Vardes » était initialement estimé à 30U. Inutile de dire que la consultation « bateau neuf » nous amenait à 100U minimum pour un 12m, et que le budget (en revendant le « Vardes ») nous mettait au niveau d’un 10m sans aucun équipement de chez Bénéteau, Jeanneau ou Kirié…, juste pour faire des ronds dans l’eau..

Malgré les émotions (et le plaisir parfois !) d’une nouvelle construction amateur complète, nous ne voulions pas attendre si longtemps pour renaviguer. Je connais cependant des amateurs qui en sont à leur deuxième bateau, et un autre qui a commencé à 60 ans ! Je crois que suis devenu paresseux…(ou trop sage ?..)

Les trois options restantes ont donc été :

  • Transformation et amélioration au mieux du vieux Vardes
  • Achat d’une coque nue « à finir »
  • Achat d’une « bonne » occasion à améliorer

2.1. Aspect sentimental

Mettre en vente pour pas cher notre bien-aimé Vardes était évidemment dur, mais beaucoup moins s’il est remplacé par un super bateau. Le mettre à la casse, si on ne réussissait pas à le vendre, était une lamentable éventualité à envisager (on peut garder légalement une épave, mais il faut payer le parking !)

Par ailleurs, le plaisir de définir entièrement son plan et d’y travailler en attendant l’année fatidique de la croisière inaugurale, est bien supérieur à la réparation d’une occasion, avec ses surprises et ses contraintes (évidemment, aucun plan de chantier ne vaut les plans personnels !) : l’achat d’une coque nue, ou la reprise du Vardes, permet toutes les fantaisies, alors qu’un bateau de série, ou déjà aménagé par un amateur, restera plus impersonnel.

J’avais tellement travaillé à faire ce bateau que je n’envisageais même pas de m’en séparer : je retravaillais en profondeur sur un plan de rénovation complet et j’arrivais à une conception de pont et d’aménagements quasi parfait, (accompagnée d’une maquette en LEGO des aménagements !). Cependant la carène restait amateur, les bouchains aussi anguleux, le lest un peu faible, et le fardage un peu fort. Toutes choses qui n’empêchaient pas de faire le tour de Méditerranée, mais le reste de la famille n’était pas convaincu.. Je crois en fait qu’ils avaient déjà fait un trait dessus depuis la lecture des dossiers de bateaux neufs !

Un conseil de famille rapide autour d’un punch corsé a conclu de vendre ! Mieux vaut pour notre programme un bateau plus marin et moins amateur que le VARDES, les jeunes voulaient remonter mieux au près, ma compagne adorée voulait un moteur plus puissant et plus de bouchains, et puis moi aussi, finalement, je rêvais devant les conceptions plus modernes...
(on peut cependant légitimement se poser des questions sur la rapidité du volte-face, et remercier le rhum BOLOGNE qui nous permettra de naviguer sur autre chose que le fruit de mes plans !)

2.2. La quête du Graal

Quel bateau choisir pour remplacer le Vardes ? La décision de vendre notre bien-aimé bateau de 25 ans étant prise, le choix s’élargit vertigineusement. En réfléchissant sur les innombrables bateaux possibles : monocoque, multicoque, fifty, quillard, dériveur, goélette, sloop ou ketch, le tri fut assez rapide.

Les multicoques ont été exclus pour leur prix (à volume égal habitable, un cata est plus cher qu’un monocoque, il faut deux moteurs, etc..), la difficulté dans les ports Européens (place, grutage..) et leurs risques, malgré l’attrait évident au mouillage.
Les « fifty » purs (Banjer, Nauticat..) pour leur style, on verra dans 10 ou 15 ans !
L’acier pour la rouille
Les bouchains pour l’esthétique,
Les ketchs et goélettes pour simplifier

En Octobre 1999, nous en sommes là :

il nous faut un sloop de 12 x 4 m en polyester ou aluminium en forme, à tirant d’eau réduit, d’un plan éprouvé, avec cockpit arrière, jupe, aménagements propriétaire, roof panoramique et un bon moteur ( le tout pour moins de 50U !).

Disons tout de suite que c’est un bateau neuf sur mesure qu’il nous faut, mais le budget explose, ou que la quête du Graal sera longue…Il faut faire des compromis, et prévoir des réaménagements éventuels ! !

La recherche s’est d’abord concentrée sur une coque neuve ou quasi neuve à finir et aménager. Dans les annonces de Loisirs Nautiques (la revue des amateurs et marginaux sympathiques !), je tombe sur un cas : un retraité des chantiers de la Ciotat qui propose de faire des coques à l’unité pour 10U avec un moule de CONATI 37 récupéré. Un autre amateur possède un moule de COCAINE 38 à Port La Nouvelle, avec un hangar près du canal, un portique et un camion ! Nous sommes repartis vers la grande aventure amateur !
Un autre cas étonnant : un beau RORQUAL de 13m, coque chantier finie, pont teck, moteur et mats à poser, qui attend depuis 15 ans à sec en Vendée, pour moins de 30U ! !

Une demi douzaine de chantiers réalisant des coques à équiper ont été consultés en Novembre et Décembre, hélas, seules les coques acier à bouchains ou les chantiers débutants semi-amateurs étaient dans les limites du budget, sans compter les aménagements et équipements…on allait au minimum vers les 80U !
En revenant sur terre, on s’est concentrés depuis Janvier sur le marché de l’occasion, avec un objectif initial à 40U. La saga de cette recherche, de ses errements et épreuves, est résumée dans les chapitres suivants.

3. La quête du Graal : les épreuves !

Une revue des épreuves sur le parcours de la quête !

3.1. On n’a plus de bateau !

Le « vardes » est vendu ! nous n’avons plus de bateau.. Plus de soucis à se faire sur le carénage, la révision moteur, les batteries à changer, les accrocs de voile, le taquet cassé, l’ancre à redresser, la grue à retenir, la survie à réviser ! plus d’aller-retour de Toulouse à Port-Leucate tous les week-end !..Il ne reste que les photos, les cassettes vidéos, les plans et un tas de pièces et de ferrailles diverses dans la cave. Je suis soudain infiniment triste .(larmes, tipunch..).

Il nous faut un nouveau bateau, et vite ! Je suis tellement obsédé par les bateaux que je m’arrête dés que j’en vois un sur le canal du midi, ou quand un transport exceptionnel passe sur l’autoroute..Un semi-remorque portant un gros Oceanis quelque-chose est arrêté le soir sur un parking de la zone industrielle : je freine en catastrophe et sort pour tourner autour : que c’est beau un bateau ! le chauffeur qui devait dormir ouvre la portière et me regarde d’un sale œil.

Mon œil cherche tellement les bateaux que j’ai des hallucinations : sur l’autoroute, je crois voir en sens inverse des bateaux passer : en fait ce n’est qu’une citerne de lait ou de ciment ! je suis en manque, et je n’ai aucune envie de me désintoxiquer.. Il n’y a qu’un remède à ce mal incurable : Un nouveau bateau !

3.2. Les hotels ETAP

Comme on voulait naviguer l’été suivant, la quête fut entamée en Décembre (certains commencent au grand pavois de La Rochelle, d’autres au salon de Paris ). Les bateaux ne seront guère à leur avantage, dans les grisailles d’hiver, et il nous faudra du courage pour affronter brouillard et verglas..

Il a fallu faire en moyenne 500km par week-end, car l’oiseau rare est rarement sous les fenêtres, ce qui permet de connaître les plaisirs des hôtels ETAP dont nous avions la liste détaillée par ville de France :
L’ intérêt des « ETAP » (les hotels, pas les bateaux..) , outre leur prix, est de s’habituer à l’exiguité des bateaux : la chambre est à peine plus grande que la cabine principale du Dufour35, et la douche-toilettes en plastique contremoulé intégral, rappelle, mais en moins beau, les toilettes de l’Oceanis 390 ..Ils ont même prévu une couchette de quart au dessus du lit servant égalament de porte bagage..

3.3. Les clés de la quête.

Une première préselection fut faite avec l’Argus de « Bateaux » (le marché de l’occasion) : on ne cherchera que les modèles qui sont dans le budget en prix moyen. En effet, certains « prix mini » paraissent attrayant, mais ils correspondent toujours a des bateaux en état douteux. Ensuite, bien sur il faut acheter (ou emprunter si le budget est très serré ! ) tous les mois les deux revues de base (Voile etVoiliers et Bateaux), téléphoner très vite sur chaque nouvelle annonce . On complète avec les sites d’annonces : puces nautiques, annonces-bateaux, yachtbrokers,etc.

On trouve les plans, photos et descriptifs standard sur « annonces bateaux » : Il y a souvent des erreurs, et les caractéristiques sont sommaires, le « nombre de moteur » n ‘a pas trop d’intérêt pour les voiliers, quant au descriptif des aménagements c’est une copie de la pub constructeur (genre : « le carré chaleureusement décoré de bois exotiques offre.. », mais ça aide bien quand même…

Méfiance sur les noms et pieds. Le modèle en pieds devrait donner une bonne idée de la longueur, car il nous faut un 39 -42pieds , mais les chantiers abusent de l’approximation flatteuse, en vendant un 11m comme 40pieds par exemple (le Kelt39 fait a peine 11m !). Quand au chiffre de longueur dans les annonces il peut être faux de 10pieds ! Après deux mois de ce jeu, je connaissais le genre de bateaux « au nom » : famille Oceanis, famille Sun, famille First, famille Espace, famille Evasion : en effet les deux grands chantiers ont tous crée une famille « confort » une famille « performance » et une famille « fifty »

Sur le prix, toutes les unités farfelues sont utilisées par les propriètaires ! les Francs , les MF, les KF, les U , les Euros. Avec souvent des erreurs d’une virgule. En comparant a l’Argus, on corrige de soi même : un First 44 de 5ans à 220KF, ça doit être une erreur de virgule ! inutile de rèver .

3.4. Les propriétaires et les « brokers »

Les épreuves nous ont endurcis et grandis : nous maîtrisons maintenant l’approche psychologique selon qu’on traite avec un courtier (« broker ») ou directement avec le propriétaire:

Le propriétaire n’aime pas du tout, mais alors pas du tout !, les critiques ou la méfiance de l’acheteur. La demande d’expertise est pour lui une insulte, et il adore rester évasif sur l’historique réel du bateau.
L’inventaire précis est souvent difficile à faire écrire :
« Il y a tout ce qu’il faut pour la première catégorie.. » : En fait il manque la moitié des gilets, la Radio BLU, le sextant est cassé, pas de lignes de vie, etc..
« Je le laisse tel quel, je n’ai pas l’habitude de déshabiller un bateau pour le vendre.. » : Si on voyait pendant la visite un sextant Freiberger ou un vrai loch à poisson cachés dans un coffre, il avait peu de peu de chance d’être en final au moment de signer !…
Par dessus tout il déteste signer des papiers qui l’engagent, comme un compromis de vente un peu complet.
Enfin, quels que soient les défauts, soyez admiratif si vous discutez avec le propriétaire (au moins félicitez-le d’avoir réussi à ramener des Antilles un tel tas de rouille..)

Le courtier ou « broker » a l’habitude, peut reconnaître et négocier les problèmes (ce n’est pas son bateau !) et propose une procédure claire, avec compromis, inventaire, expertise, délais, etc, ce qui évidemment se paye (5 à10%). La discussion est toujours moins tendue, mais méfiance, il sait encore mieux masquer les problèmes…c’est un pro !

3.5. La coque !

Nous avons vu surtout des coques en polyester. Le gros sujet d’inquiétude est donc L’OSMOSE, la vérole du polyester…
Le propriétaire est toujours très rassurant sur ce sujet:
« Il y avait quelques cloques, j’ai fait un traitement moi même, car je n’ai pas confiance dans les chantiers..
« Il ne faut rien faire, l’osmose sert surtout à faire vivre les chantiers.. »
« même s’il fallait traiter, je connais un chantier en Espagne qui le fait pour trois fois moins.. »
« Vous savez, ces bateaux là n’en on pas, elle n’est apparue que dans les années 90, surtout sur les Bénéteaux… » (il vends un Jeanneau ! inverser les noms dans le cas contraire..)

Il est vrai que les coques en technique classique , typiquement d’avant 85 pour les grands chantiers , inspirent plus confiance : les varangues sont très robustes, la coque épaisse (20 à 30mm), et rien n’est caché par le contremoulage en cas de réparation.

Comme l’osmose, les boulons de quille rouillés à cœur sembles rarement inquiéter les vendeurs :
« C’est superficiel, et ils sont tous comme ça.. »
« Ils ne sont pas prêts de lâcher, mais vous pouvez les changer, c’est facile… » ( si vous n’avez encore jamais changé des boulons de quille : c’est joyeux !)

3.6. La mécanique

Les heures du moteur sont souvent du domaine du flou artistique, par exemple :
« il n’y a jamais eu de compteur … »
« il indique plus, mais il a tourné tout seul par erreur de connexion… »
« il n’a pas beaucoup d’heures, mais je ne peux pas vous dire exactement, le compteur ne marche plus !… » (c’est incroyable comme ces compteurs horaire marchent mal !)

Certains moteurs sont des tas de rouille :
« c’est superficiel, vous voyez, on n’a pas cherché à camoufler avec un coup de peinture.. »

3.7. La dérive

Comme nous cherchons un dériveur, l’état du mécanisme de dérive est important :
Le vérin du Sun Fizz est connu pour s’oxyder et fuir, et les durites pour lâcher, mais c’est le meilleur système malgré tout : il remonte sans peine une dérive lourde. Il y a normalement un passe coque avec vanne dans le puits, pour débloquer par l'intérieur si elle ne redescend plus. Sur un bateau visité, ce passe-coque (sans vanne !) servait de vidange d’évier..le propriétaire n’était pas au courant.

Sur le Kelt 39, elle coulisse obliquement, et il faut un winch solide pour remonter ses 300Kg, le propriétaire avait même ramené la manœuvre sur le guindeau ! !.mauvais signe, je ne suis pas sumoka....

Sur les Sunshine , le bout de relevage qui traîne dans le carré est hélas toujours plein d’eau ! (le seau du bord trouve alors une place idéale au milieu du carré pour recevoir ce bout !)

Sur le JNF 38 visité, le puits de dérive occupe une place de choix, empèchant toute circulation : Il ne reste que 30cm pour la contourner coté descente !

Sur le Hood38, rien a dire, la drosse traverse au pont par un tube étanche et arrive à un winch au cockpit.

4 . Le parcours

la quete du graalAvec tous les bateaux auxquels vous avez échappé, qui avaient l’air :
- vraiment bien sur le descriptif papier (inventaires, prix, photos couleurs, articles de revues..)
- bien à la première visite
- mais qu’on a pas pris en final après visite poussée ou négociations , et pourquoi..

Je passe sur la dizaine d’autres éliminés après la première visite! (Légende 36 à Gruissan, Kelt 39 à la rochelle, SunFizz au Cap d’Agde, SunFizz à la Rochelle, SunFizz à St Raphaél, JNF38 à Palavas, Trismus à Leucate, Hood 38 à Port Camargues, Etap 38 en Suisse !..)
ou la centaine éliminés après contact téléphonique ! !

Une mention particulière cependant pour l’ETAP 38I, insubmersible et bien conçu, qui n’avait jamais quitté le lac de Neuchatel et son hangar abri suisse, mais hélas vraiment trop loin à voir ! idem pour le Sun Legende version propriétaire à voir à Patmos : 3 heures d’avion et 6 heures de ferry pour y arriver !…

4.1. Le Sunshine 38 à Cannes

Comme on est en manque, le coup de foudre est vite attrapé, et la première visite en Janvier à failli être la bonne ! On avait vu un autre Sunshine avant, et celui là était impeccable et très bien équipé. Le bateau a très bonne réputation, de plus, il faisait super beau à Cannes, et les cannois patinaient en plein air (sur la glace de Janvier !), sur l’esplanade du port. Le vendeur était sympathique, le soleil se reflétant sur son crâne chauve..

Conclusion, après une pizza et une biére : trop petit, un fils cogne le plafond dans le carré !pas de jupe possible et notre fille annonce qu’elle peut ajouter du capital, on peut viser un peut plus grand…

4.2. Le SunFizz 40 à Langon

Un SunFizz en super état sur un petit port du canal du midi à Langon, avec GV enrouleur, radar, annexe neuve, etc, qu’on a visité deux fois, négocié le prix , d’accord par teléphone, prêt à signer :
Il fallait l’amener à Bordeaux pour essai, matage, examen de coque et il était à nous !..
On commence à discuter des décorations à modifier, quand le vendeur téléphone qu’il ne veut plus nous le vendre !. Quelques pensées meurtriéres me traversent sur les supplices atroces qui lui sont réservés si je le croise dans un mouillage désert. Je détruit toutes traces du dossier de rage , donc même plus de photos !

C’est vrai que pendant la première visite, il était accompagné par des « amis » (méfiez-vous toujours de visites avec plusieurs acheteurs à la fois : traîtrise probable !)

Bof, la décoration était ringarde, la GV sur enrouleur tire mal, c’est connu, le moteur n’avait ni heures connues ni carnet d’entretien , et la coque avait sûrement de l’osmose (La Fontaine : « Le renard et les raisins ») .

4.3. L’Oceanis 390 à La Rochelle

Par un jour humide et froid de Février à La Rochelle, après un Sunfizz décevant à l’hivernage douteux, un Oceanis 390 semble bon sous tous rapports : quille à ailette avec 1.40m de tirant d’eau, beaux aménagements « propriétaires », 10 ans d’âge.

L’Oceanis de ces années est hélas réputé pour deux problèmes : les grands capots arrondis prennent l’eau , la coque trop souple laisse bouger la quille et le joint de quille fuit. Des copains nous préviennent qu’ils ont du pomper toute la nuit par un coup de tramontane au prés sur un Oceanis 390 de location..
L’examen de la quille , facile car le bateau est à sec, montre qu’on voit le jour au joint avant et que la rouille coule gaiement des boulons..
De plus, malgré le grand volume et les beaux aménagements, peu de coffres libres (on n’y trouve que tuyaux, compresseurs, chauffe eau etc..), et il n’y a que 5 couchages maximum.

On repart en courant, en visitant l’Hermione dans la grande cale de radoub de Rochefort au retour (une carène superbe, mais plus classique..)

4.4. Au salon de l’occasion de Port Camargue

On voit à Pâques une dizaine de bateaux « classiques » à Port-Camargues au salon de l’occasion (Dufour 39, Gibsea 42, etc) sans avoir le coup de foudre , avec une mention spéciale pour un Hood 38 superbe à mon goût, mais qui a fait renifler bizarrement mes équipières préférées :
« ce n’est rien dit le vendeur, seulement un bidon de gasoil renversé.. »
Dans la classe 11 à 13m, on retrouve des bateaux déjà visités, il y a des oiseaux rares et des standards, des invendables et d’autres vendus dans la journée. En tout cas c’est une belle journée si on aime les bateaux, les crêpes et le demi pression.

Nous voyons encore un SunFizz à La Grande Motte le Vendredi, car on est un peu intoxiqué par les articles élogieux de « Bateaux » sur le Sunfizz., « entretenu avec amour par son unique propriétaire » dixit l’annonce, il est moyen, mais on le visite deux fois , car il faut quand même se décider un jour. Il est vraiment trop cher au vu des travaux à faire et de l’équipement.

Dernière chance : en route Samedi vers Port St Louis du Rhône pour voir un Idylle 11,50 au descriptif et prix bien dans nos limites. Le « port à sec » de Port St-Louis du rhone est un immense terre-plein à coté des réservoirs de pétrole, avec des centaines de bateaux de tous les types possibles : la photo de début d’article est celle du plus étonnant bateau amateur de Port-st-louis ! joli, non ?..

4.5. Idylle 11.50 à Port St Louis du Rhône

Nous faisons connaissance avec un jeune couple sympathique qui à fait son voyage de noce sur ce bateau en allant au Brésil, Antilles, et retour par les Açores, un peu notre programme, quoi : le bateau à fait ses preuves.. Il est très bien, révisé et rééquipé en 98 pour ce tour d’Atlantique, après un premier propriétaire qui ne quittait pas le port. Moteur moyen, mais beaux aménagements et électronique « au top » : sondeur qui voit devant, radar automatique interconnecté avec GPS et pilote, etc ..

Inquiétude, que vaut la quille ultra courte (1.35m sans ailette ni dérive en plus) ? La courbe de polaire annoncée est correcte au prés, et ils sont revenus des Açores dans deux dépressions, alors ?.. Notre fille nous rappelle en urgence le Vendredi suivant en portable depuis le mouillage de Porquerolles, alors qu’on avait presque signé, et déjà arrosé en petit comité ! :
« pas bon, crii… crrr…ceux qui en ont n’en veulent plus ! il loffe sans prévenir et gite jusqu’au liston CrI ncriCCC bzzzz pschhhhhhhh » (plus de batteries sur le portable..)

On l’a échappé belle, mais le désespoir s’installe dans nos cœurs meurtris : allons nous trouver un jour !
PS : pour les futurs heureux propriètaires d’ Idylle 11,50. Il se peut que ce soit un très bon bateau, mais quand le doute est installé dans la tête !..

5. QUETZAL !

la quete du graalIl est vrai que le choix est difficile :
- En dessous de 11.50 c’est trop petit, au dessus de 12.50 , c’est trop grand
- Récent mais pas trop cher
- Petit tirant d’eau mais qui marche bien
- Aménagement propriétaire mais place pour 8 quand même

5.1. Les Sun-Fizz

On se recentre sur tous les SunFizz du marché (un dizaine en annonces cet hiver), après avoir relu les articles élogieux de « Bateaux » : leur prix « annoncé » varie de 35 à 45U, et nous avons les copies de tous les descriptifs possibles.
La moitié est quillard, éliminés ! on veut rentrer au fond de la cala Addaya !
Ceux de Bretagne, trop loin et trop humides!
Les décorés en mélanine d’avant 83 , beurkk !
Les retours de tour du monde, trop de travaux, risqués
Les Ketch à éviter, (mais ça se discute) !

Nous en avons déjà visité quatre, allant du meilleur au pire, et connaissons les points qui font la valeur réelle, en incluant les dépenses prévisibles.

5.2. Dernier épisode

En regardant Samedi si l’annonce de L’idylle 11.50 est toujours sur « puces-nautiques.com » , on tombe par hasard sur un petit nouveau, alors que je connaissais tous les SunFizz du marché : le Mektoub à voir à Cannes (Antibes) qui semble répondre à tous les critères, avec de plus des révisions complètes et l’osmose totalement traitée, factures à l’appui : on croit réver..
La fille fait une première visite positive le Lundi : la conclusion est immédiate, il sera vendu dans la semaine ! il faut foncer.

Le lendemain, réveil à 5 heures du matin, une heure de retard à cause de ma carte bleue perdue (glissons sur l’incident..) et 550km plus tard nous sommes à Antibes, ou l’ami du propriétaire, un corse sympathique, nous fait visiter à 13h, et on reprend rendez-vous immédiatement pour le voir à sec le soir.
Après un peu de stress malgré tout : le moteur démarre bien, mais le bateau refuse de naviguer jusqu’à la grue ! Il y arrive honteusement remorqué. L’hélice est encrassée de moules et ressemble à un choux fleur, le reste est impeccable, mais on n’a pas le temps d’expertiser à fond, il faut faire confiance aux factures de révision moteur et de traitement d’osmose….

ON SIGNE !et le lendemain on fait connaissance avec le propriétaire, et tout se termine par une soirée sympathique au restaurant entre les deux parties. On apprend du propriètaire, entre deux verres d’un excellent Bordeaux, que des acheteurs potentiels embouteillent son téléphone , l’un d’eux déclarant envoyer un chèque sans même voir le bateau….

ON A UN BATEAU ! Il n’a pas de roof panoramique, ni d’aménagements propriètaires, ni l’eau chaude, ni une super électronique, mais une belle coque, un bon moteur, des voiles d’un an, spi asymétrique et solent inclus, une hauteur sous barrot confortable, un beau cockpit, capote, bimini, etc.. Dans un an il sera parfait ! Pas question de garder l’ancien nom (tans pis pour les superstitions !), le choix du nom de baptême a pris une semaine, car il faut l’unanimité et la famille est dispersée !

CE SERA LE « QUETZAL » !

5.3. Conclusion

Méfiez vous des sentiments : ils vous font faire des conneries. (gardez les intacts en réserve pour les êtres humains, pas les objets)
Méfiez-vous du coup de foudre : voyez au moins 10 bateaux avant de choisir
Méfiez-vous des propriétaires : ils croient vendre un trésor
Méfiez-vous des courtiers : ils ont besoin de vendre vite
Méfiez-vous des fonds humides et rouillés
Quelle que soit la somme prévue, ajoutez 10U
Quelle que soit la longueur prévue, ajoutez un mètre
Soyez prêts à la décision rapide, alors que vous aviez juré le contraire au départ !
Méfiez-vous du rhum !