Histoires de partir .... et de revenir (livre des nieutin)


La famille Nieutin, Hervé, Marie, et leurs enfants ont réalisé un formidable voyage dans les Caraïbes à bord du Tom Neal et sont rentrés il y a un an tout juste.

Doté d'un talent narratique indéniable, ils nous ont fait le bonheur de nous raconter leur histoire dans un livre plein d'humour, d'expérience et de conseils ( www.histoiresdepartir.com ) que beaucoup d'entre vous ont déjà particulièrement apprécié.

Mais aujourd'hui, qu'en est-il ? Comment s'est passé le retour à la vie terrestre ? Comment, avec le recul, parents et enfants ont vécu cette aventure ?

Avec ces quelques lignes et superbes photos, peut être que des réponses pourront être trouvées par ceux qui se posent la question.

Sac à terre

Et comment se passe le retour ?
Il y a un an jour pour jour, nous revenions d'une croisière sabbatique pendant laquelle nous sommes partis à la découverte des Caraïbes avec nos trois jeunes enfants. Depuis, la question à laquelle nous avons eu à répondre le plus souvent est : "Et comment se passe le retour ?". Une bonne question, néanmoins, ce n'est pas après le voyage qu'il faut se la poser mais avant.
histoires de partir et de revenir






Avant de lever l'ancre, vous êtes en général confrontés à une telle multitude de tâches qu'il est difficile de penser à la fin de son voyage. Entre le bateau, l'administratif, le budget et les mille autres points à gérer, vous n'avez ni l'envie, ni le temps de penser au retour à terre. Et c'est un tort car tout le monde revient un jour. On peut espérer, tel un Molière grand voyageur, mourir en mer mais la réalité est souvent plus mesquine. Même Moitessier a terminé sa vie dans un petit appartement de Vanves. Prévoir son retour est un élément important de la préparation d'une croisière sabbatique. Nous vous proposons ici quelques éléments de réponses tirés de notre expérience ou de celle d'amis revenus d'un périple en mer d'un an ou plus.

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Mousses et Écoliers


Commençons par la question plus facile : "Comment se passe le retour pour les enfants ?" Notre voyage nous a montré que la réputation de facilité d'adaptation des enfants n'est nullement surfaite. Il faut tout de suite préciser que dans notre cas, il s'agit de jeunes enfants. Quand nous sommes revenus, Vincent, Sarah et Claire avaient un âge respectif de 8, 6 et 3 ans. Pour des enfants de plus de 12 ans, les réactions sont sans doute différentes. Deux souvenirs pour illustrer la facilité des bambins à affronter les changements de vie. Le jour où nos enfants ont embarqué, ils avaient une expérience quasi nulle de la vie en bateau. De plus, ils n'avaient jamais vu le catamaran qui leur servirait de nouvel habitat pendant un an. Pourtant quelques heures après leur embarquement, ils étaient tous les trois en train de jouer au lego dans une cabine, comme s'ils avaient toujours vécu sur un voilier.

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Pour le retour, la reprise de leurs habitudes terriennes a été aussi spontanée. Revenus un mercredi de mai, nous sommes allés saluer les maîtresses et les camarades d'école le jour suivant. Nos enfants, petits héros du jour, ont été très sollicités pour revenir en classe, ce qu'ils ont accepté sans hésiter. Le lendemain, à la fin de leur journée écolière, il semblait difficile de croire qu'ils n'avaient pas passé toute leur année scolaire dans leur classe de primaire ou de maternelle. Notre conclusion quant à l'adaptabilité des enfants est simple : à partir du moment où vous leur donnez à manger, un peu d'affection et la possibilité de rencontrer d'autres enfants à peu près du même âge, vous pouvez les emmener où vous voulez, ils seront heureux.

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Naufrage


Pour les adultes, comme d'habitude, les choses sont plus difficiles. L'explication pourrait se limiter à un laconique "Tout se paye" ; si vous partez un jour en mer, attendez-vous au retour à une baisse de moral proportionnelle au bon temps offert par votre voyage. Le phénomène n'est pas nouveau, la majorité des marins retraités vous expliquera que poser définitivement sac à terre fut la dépression la plus creuse qu'ils ont eu à affronter. C'est un peu comme le mal de mer, tout le monde est sensible à la déprime du retour, mais plus ou moins. Tout le monde à un remède mais plus ou moins facile à trouver.

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C'est ici qu'il est important de se préparer, une maladie se développera moins si vous avez le remède au moment où elle vous attaque. Bien sûr, pour combattre ces petites ou grandes crises existentielles, le remède varie énormément d'une personne à l'autre. Toutefois, une constante semble sortir de l'expérience des équipages revenus de leur vie en mer : il faut s’embarquer dans un nouveau projet, un vrai, un grand, qu i vous enflamme comme celui de votre départ. Retrouver son appartement, son emploi et la routine associée avec pour seuls loisirs le tri des photos du voyage et les emails des copains encore en mer, est en général synonyme d'un atterrissage en forme de naufrage. Au contraire, si le retour est lié à un changement de vie, l'esprit ne sera pas constamment à vagabonder dans des rêves marins.
En ce qui concerne l'équipage du TomNeal (notre bateau), on peut distinguer trois phases :

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Retour à la case départ


Le retour immédiat fut assez mitigé. Voici le dernier paragraphe de notre livre. Il illustre bien notre état d'esprit pendant le mois qui a suivi la fin de notre voyage :
"Nous arrivons enfin et sommes accueillis par nos amis et parents. Nous retrouvons notre maison libérée ce matin par ses locataires temporaires. La végétation des campagnes avoisinantes est magnifiquement verte. Nous sommes heureux de redécouvrir tout cela. Nous avons aussi le sentiment d'être dans un monde surréaliste. Ce monde nous le connaissons bien, il a été le notre pendant des années. Pourtant, nous avons l'impression d'être des pièces rapportées. Nous ne cadrons pas avec le décor. Nos chaussures nous font mal aux pieds et nos pantalons, portés pour la première fois en douze mois, semblent faits d'un matériau étrange. Et puis, il faut bien l'avouer, nous avons toujours le ventre qui fait des nœuds de marin lorsque nous pensons à notre bateau, à nos amis navigateurs et à notre vie sur l'eau.

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En fait, nous sommes victimes du syndrome de Tarzan à Manhattan. Nous venons d'échanger une vie où la nature est reine contre le monde civilisé. Nous avons troqué notre liberté contre l'aisance de la vie citadine. Tout cela est enivrant, mais semble cacher un redoutable piège."


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Atterrissage


Dans les deux trois mois suivants, le temps est vite passé pour les Tarzans navigateurs. L'été, les retrouvailles avec nos proches, le retour à une vie matériellement plus facile, nous ont apporté un doux sentiment de bien être. Puis avec l'arrivée de l'automne, la reprise de la routine, les choses sont devenues plus dures. Pour moi, cette période a parfois été vécue comme un deuil. Le simple fait de recevoir des nouvelles d'ami en mer me plongeait dans une mélancolie plus ou moins profonde. J'étais taraudé par l'impression de ne pas être à ma place. Pour Marie, ma capitaine de femme qui a sans doute le privilège d'être plus détachée de l'univers marin, son état d'esprit a oscillé entre la satisfaction de retrouver une vie plus "sure" et le sentiment qu'à terre tout est plus limité.
Quel que soit votre fibre de navigateur, un voyage en mer créera probablement en vous une cassure par rapport à votre vie de terrien, cassure qui sera à l'origine d'une marginalisation plus ou moins volontaire. Et il ne faut pas oublier que la marginalité est un statut ingrat. Elle se traduira par un sentiment de décalage, d'ennui et fournira à la déprime un terrain propice à son développement.

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Pendant cette période, notre livre a été une vraie bouée. Entre la fin de la rédaction, les corrections, puis la promotion, ce nouveau projet dans lequel nous avons eu à nous investir sans compter nous a sorti la tête de l'eau à chaque fois que nous avions tendance à nous y plonger trop profondément. Il nous a ménagé une savante transition en nous laissant un pied dans l'eau et l'autre à terre.



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Nouveau départ


Et comme disent les hommes de sagesse : après l'automne et l'hiver arrivent les beaux jours. Le printemps et son pouvoir de renouveau ont un effet magique. Le deuil se fait peu à peu et la vie reprend son cours, comme avant. Selon les individus, il faudra un ou deux années pour une vraie guérison. Certains malheureux ne guérissent jamais, le sentiment de renouveau ne les empêchera pas lorsqu'ils s'approchent de la mer ou d'un bateau de ressentir un furieux e t douloureux appel du large. Pour eux, le salut passera par un nouveau projet de départ. Pas forcément en bateau d'ailleurs, on découvre vite que l'appel du large est avant tout un besoin de changer de mouillage, de découvrir de nouveaux pays, de rencontrer de nouvelles personnes. Finalement le moyen de transport importe assez peu.

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Hervé et Marie Nieutin
Tomneal2003@yahoo.fr
www.histoiresdepartir.com