Ernest, du cap vert à l'afrique...
ERNEST sur l'eau ou comment "REJOINDRE L'AFRIQUE DEPUIS LE CAP VERT"
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Le départ de Mindelo
2 janvier. Nous levons l'ancre de Mindelo avec un certain soulagement. La dernière escale du Cap Vert n'aura été ni la plus agréable, ni la plus sûre.
Le vent souffle frais du Nord dans le chenal qui sépare Santo Antao de Sao Vicente. Tant mieux car nous allons cap au Sud puis à l'Est pour rejoindre le Sénégal et, plus particulièrement, la Casamance.
Dès la sortie du chenal, nous mettons cap à l'Est... et prenons le vent de face, légèrement sur bâbord.
Eh oui, c'est un long bord de près de 5 jours qui nous attend. Nous longeons par le sud l'arc des Barlavento. Chaque passage entre les îles occasionne de grandes adonnantes qui nous rassurent et nous font espérer que « le vent tournera » mais nous attendrons la bascule jusqu'au bout...
Pour l'heure le bateau, habituellement très stable, même au près, a du mal à tenir son cap. Après un examen approfondi, je réalise qu'une des biellettes qui raccordent les deux safrans à la mèche de barre s'est désolidarisée de la barre. Une pièce de Téflon est usée et je n'en ai bien entendu pas de rechange. Qu'à cela ne tienne, un fil à pêche bien résistant fera l'affaire.
Ça a tellement bien marché que la réparation a tenu jusqu'au Brésil, c'est à dire que je ne réparerai véritablement que 18 mois plus tard !
Nous quittons l'archipel
La nuit suivante nous rasons Boa Vista. Exit donc les îles du Cap Vert et leur parfum inimitable. Les hauts fonds à l'est de l'île occasionnent une mer très formée. Il n'y a plus de perturbation de vent due aux îles et le près que nous faisons est vraiment serré, serré...
La grand voile au bas ris, plus grand chose devant, nous avançons toujours avec le rail de fargue tribord dans l'eau. Rien de bien agréable, et pourquoi continuer ainsi ?
Naviguer utile
En fait, on nous attend en Afrique ou plutôt, on attend les médicaments que nous transportons.
Petit retour en arrière : l'hiver dernier, dans les frimas de la Turquie, nous avons découvert en surfant sur l'internet, l'association VSFS, Voiles Sans Frontières Suisse. Celle-ci nous mit en rapport avec une ONG française œuvrant en basse Casamance, ANIMA
http://anima.blog.lemonde.fr/
Deux ou trois sympathiques contacts et nous voici quelques mois plus tard à la Ciotat en train de charger des cantines et des cartons de médicaments.
Chaque année, ANIMA organise une « mission médicale » qui consiste à visiter un certain nombre de villages retirés et d'y assurer des consultations généralistes, spécialisées, dentaires, etc.
Il fallait donc arriver avant le début de la mission à venir, si possible. Donc pas de possibilité d'attendre que le vent tourne ou mollisse...
Deuxième jour, la vie s'organise tant bien que mal à 20° de l'horizontale. Quand cela ne dure que quelques heures, tout va bien, on trouve même ça rigolo, mais quand on parle de plusieurs jours, on a vite envie que ça s'arrête !
Heureusement, la table à cartes est sous le vent, on peut donc s'y caler à peu près confortablement. Malheureusement, c'est tout à fait le contraire pour la cuisine et les quelques repas qu'on arrivera à y préparer le seront sanglés et souvent dans une situation qui s'apparente plus à de la haute voltige.
L'angoisse de la navigation au près
Le vent ne mollit pas et les vagues balaient constamment le pont. Elles partent en rugissant de l'étrave, déboulent dans le passe avant bâbord et déboulent dans le cockpit, via les capots de coffres arrières, en d'impressionnantes cataractes.
Au bout de trois jours, je remarque qu'il y a de l'eau à l'angle que forme le plancher et le bordé sous le vent. Après vérification, il y a de l'eau aussi sous les planchers. Bref, IL Y A UNE VOIE D'EAU !
On imagine bien alors par quelles affres passe le navigateur : « d'où cela vient-il ? Le bateau pourra-t-il tenir jusqu'à l'arrivée ? Est-ce que ça va empirer ? ».
Le premier moment de panique passé, il faut s'organiser : d'abord pomper, quelques minutes de brinquebale suffisent ; ouf !
Ensuite il faut suivre la « trace humide ». Sous le plancher, dans les coffres, malgré la gîte importante du bateau, il faut arriver à trouver une origine plausible.
Ça m'occupera un moment, et me mènera jusqu'à la baille à mouillage.
Le voilier, en installant la cadène d'étai largable, avait été obligé de traverser la baille en question, rompant ainsi son étanchéité. Il m'en avait bien parlé au moment des travaux mais tout cela était resté dans un coin de ma mémoire et ne resurgissait que maintenant ! La gîte du bateau faisait plonger l'évent tribord de la baille à mouillage sous le niveau de l'eau qui pouvait librement investir les fonds.
Donc pas de problème, à priori, si ce n'est l'obligation de pomper une cinquantaine de litres deux fois par jour.
L'entrée dans le fleuve Casamance
Au bout de quatre jours l'arrivée est en vue. Nous mettons à la cape pour pouvoir aborder le chenal d'entrée de la Casamance de jour et, accessoirement, se reposer un peu.
Et bien nous en a pris : La mer brise fortement aux abords des côtes d'Afrique à cette latitude. D'autre part les bouées qui marquent le passage sont absentes ou largement déplacées. La bouée d'atterrissage est à sa place par rapport aux cartes, on peut donc s'y fier. Toutefois le vent et le courant nous obligent à lutter mètre après mètre pour pouvoir la passer dans le bon sens.
La suite se passera un œil sur le sondeur, l'autre sur les brisants qui blanchissent de grandes plaques de l'océan tout autour de nous.
Intuitivement on sens que les bouées du chenal sont dans la bonne zone. Mais comment peut-on leur faire confiance ? Elles ne sont manifestement plus à leur place ou le chenal a des allures de slalom spécial !
Puis, tout à coup, sortent de nulle part un dos puis un autre, puis encore un autre. C'est une petite troupe de dauphins de Casamance qui nous prend en charge et nous amène doucement dans la bonne direction. Des histoires de ce type me faisaient sourire auparavant. Je suis bien obligé de l'admettre, les dauphins sont les amis intelligents des marins !
Mais qu'est-ce que c'est que cette grande sauterelle dans l'eau, au loin ? Il nous faudra longtemps pour le comprendre car nous sommes de jour : il s'agit du phare qui marque l'entrée du fleuve ; curieuse architecture, non ?
Encore une demi-heure et nous voici dans l'embouchure du fleuve. OUF !
On prend le premier bolong sur la rive droite, on laisse aller l'ancre et nous voici dans un paradis de calme et de nature sauvage. Plus de bruit, plus de mouvement du bateau, le silence fait presque peur...
Nous voilà arrivés dans un endroit magique que nous quitterons à regret 14 mois plus tard.
Mais, comme d'habitude maintenant, ceci est une autre aventure...
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