Naufrage du voilier-école de Smet de Naeyer - suite 16 - samedi 20.

Mon point de vue.

LA JUSTICE BELGE

La justice belge rendit son jugement...à la Ponce Pilate : « je m’en lave les mains ».
Que dit-elle ?
...l’eau a envahi très rapidement le navire.
Pourquoi ?
Quelle en est la cause ?
Devant le justice tous les témoins se sont tus....mais pas tout à fait non plus... et tous les protagonistes furent finalement acquittés.
...Personne ne sera désigné comme responsable-coupable, on n’approfondira pas :
les témoignages qui divergent,
les points de vue qui « dix-vagues »,
certains survivants qui « tempêtent ».
Le Tribunal conclura par une sorte de pot-au-noir, calme plat, barographe au repos.

Fourcault ? Pas coupable –
Le chantier de Greenock ? pas coupable –
l’Association Maritime Belge (sans ??? but lucratif) ? pas coupable –
Le gouvernement belge ? pas coupable –
les ingénieurs, les experts, les architectes, en résumé tous ceux qui devaient contrôler le chantier, la construction, les qualités manoeuvrières ? pas coupables.

Circulez y’a rien à voir.
C’est la faute à « pas d’chance », fortune de mer !
Quelques cacahuètes aux familles des victimes, quelques bananes aux survivants, une statue commémorative par ci, un discours consolateur par là, merci Banania et la vie continue comme avant.

Des causes, certaines plus improbables que d’autres, sont cependant évoquées par le Tribunal :

1.la première théorie est que le navire à qui avait été attribué une certification A1 par le Lloyd’s Register montrait pourtant certaines faiblesses de taille qui le rendait vulnérable par gros temps. Dans la tempête la coque (en acier un peu léger ? mal rivetée ?) laissait passer l’eau de mer.
2.une deuxième théorie : le navire a pu heurter un objet flottant et dérivant qui aurait endommagé la coque et provoqué une voie d’eau.
3. troisième théorie : un cadet ou une autre personne aurait malencontreusement manipulé des valves d’eau de mer. Et finalement cette théorie a ses supporters ! Qui dit (par exemple) qu’un officier chargé de faire un tel travail, ne s’en est pas déchargé sur un cadet peu expérimenté (il y avait des cadets qui avaient déjà le 1er voyage à leur actif) qui aurait fait une « connerie » sans s’en apercecoir ou l’aurait tue par peur de sanctions ?

POINT DE VUE DE VAN-O-RIX

La troisième théorie a rencontré beaucoup d’adeptes. Je pourrais aussi y souscrire...par expérience : les accidents de mer proviennent souvent d’erreurs personnelles. Exemple flagrant :les abordages en mer, quasiment toujours la faute du chef de quart, distrait ou incompétent..ou qui s’est endormi... (mais ce serait le sujet d’une autre publication) !

Question :
Était-il raisonnable de construire un navire avec une coque en acier mais un pont en bois ?
La remarque avait été faite en ce sens par le député Van Damme, et une suggestion (avant la construction) : celle de renforcer le pont en bois par une armature (ou un sous-pont) en acier.
Cela fut refusé car trop coûteux, une fois de plus !
Mélanger ainsi éléments en acier et en bois dans deux structures interdépendantes affaiblit-il l’ensemble ?
Est-ce que le pont en bois en se déformant sous les variations d’humidité et de chaleur, la houle, les vagues, les mouvements du navire en mer, n’aurait pas pu provoquer des tensions de rupture pour un matériau beaucoup plus rigide comme l’acier de la coque?... ou le contraire ?

Question :
Le rivetage de la coque d'acier n’était-il pas trop espacé, toujours pour ces fameuses raisons d’économies ? Mais alors « quid » de la certification du Lloyd’s Register ? Pendant le séjour à Anvers on a procédé au remplacement de rivets originaux endommagés ou tout simplement disparus par d’autres, mais cela ne suffisait-il ?
Et que pensez-vous de ...
LA DIFFÉRENCE ENTRE LE MÉTAL DES RIVETS ET CELUI DES TÔLES DE LA COQUE ?
Par ailleurs je me souviens (lors de mes années d'étude) que nous avions étudié ces coques rivetées au cours de construction navale, et qu'un problème récurrent vers les années 1900 était que les rivets utilisés n'étaient pas constitués du même métal que la coque, ce qui créait des incompatibilités de résistance à la rupture. Idem d’ailleurs pour le Titanic qui a coulé à cette époque lui aussi.
Sans oublier...
1. les autres travaux effectués à Anvers (et aussi au Chili au cours du premier voyage), sur un navire neuf : le renforcement des daviers des canots, l'installation d'une nouvelle pompe pour vider les bouchains, la révision des clapets des deeptanks, les nouvelles vannes d'un type nouveau pour les prises à la mer, l’ installation d'un réseau électrique inexistant à la construction, etc...
En fait cette liste laisse à penser que ce navire, dès sa construction, ne répondait pas aux critères de sécurité requis, ou du moins était SCIEMMENT construit au rabais!!!

Quant au chargement du voyage 2:
Entre 2000 et 2500 tonnes de sacs de ciment.
Au sujet du ciment: certains disent aussi que du ciment en blocs avait été ajouté dans les fonds du navire pour augmenter sa stabilité.
Ensuite il y a ce chargement de ciment pour Port Natal en Afrique du Sud.
Ce doit-être ce ciment en sacs qui a absorbé l’eau de mer qui s’infiltrait dans les cales par de très nombreuses prises d’eau.
En tous cas cette coque n'était pas étanche, et le chargement de sacs de ciments qui aura absorbé l'eau jusqu'à saturation, le rendant bottom-heavy (les survivants disaient de lui que son comportement était bizarre et ses mouvements étaient saccadés).
Ce serait après saturation du ciment que l'eau fera finalement son apparition lors des sondages.
Il serait intéressant de connaître les tirants d'eau journaliers entre la date du départ d'Anvers, le 11 avril, et le 19 avril, jour du naufrage. Mais c’est impossible.

Remarque... subsidiaire :
Quelle était la hauteur du chargement de ciment dans les cales ? Après absorption de l’eau de mer, il s'est tassé, diminuant le GM, ce qui a augmenté la stabilité...
Marrant ?
Un navire notoirement instable périrait alors pour un problème de stabilité excessive... une histoire belge concluront certains.

MARITIME FICTION :
Il faudrait pouvoir remonter le navire à la surface 115 ans plus tard !
On constaterait que les rivets ont disparu, ou pas ! ... mais rongés par l’eau de mer !
On constaterait que les tôles d’acier de la coque présentent des déformations anormales.. mais en touchant le fond la coque a dû en prendre un coup...
Et last but not least, la touche d’humour macabre :
Prélever un échantillon d’ADN sur le corps du commandant Fourcault, (à défaut de le faire souffler dans le ballon) qui pourrait nous révéler si oui on non son sang contenait un taux d’alcool hors limites admises en 1906 (c’était son anniversaire en ce 19 avril 1906 que diable, et il fallait bien fêter cela « goutte que goutte ! ») ce qui corroborerait les suspicions de notre étudiante quant à son manque de « good seamanship » et aussi le témoignage in-vivo et non in-vitro de ce cadet survivant disant que le « Vieux titubait, ne tenait pas sur ses jambes, paraisait ivre et comme sous l’emprise de la folie ».

Mais en tant qu’ancien commandant moi-même, je sais très bien qu’il est de bon « thon » (Saupiquet) d’accuser le commandant de tous les maux de la terre et de la mer quand ça va mal !!!
Alors non, Fourcault n’avait pas bu.... plus que de coutume, les us de l’époque étant plus tolérants à cette pratique sur laquelle je n’ai pas toujours craché non plus, je l’avoue sans honte aucune.
MAIS :
Fourcault aurait dû suivre son instinct et refuser de repartir pour le second voyage du voilier-école Commandant de Smet de Naeyer...
Et rien que cela aurait peut-être, sans doute, certainement, changé cette triste histoire. Un autre commandant, une autre décision, un autre dénouement.
Par exemple : « good seamanship » et faire demi-tour dès le départ de Flessingue, quand déjà le comportement du navire encore en remorque est bizarre, différent du voyage précédent... et retourner au mouillage pour :
1. Lire les tirants d’eaux et les comparer avec ceux lus au départ d’Anvers 2 jours plus tôt.
2. En cas d’augmentation des tirants d’eau (donc variation anormale du poids total du navire) , procéder à des sondages complets, à l’abri au mouillage, faire une inspection complête des cales et des tanks à la recherche d’indices : voies d’eau, contrôler le taux d’humidité du ciment , contrôler les valves d’eau de mer...etc...
Non, tout n’était pas écrit et il n’y a pas de fatalité mais parfois un malheureux concours de circonstances qui fait que....

Un fait qui me trouble aussi:
« OU EST PASSÉ LE JOURNAL DE BORD DU NAVIRE » ?
- Sans doute perdu dans le naufrage.
- Que contenait-il ? Lorsque, comme commandant, on rédige un protet de mer (et je l’ai fait pendant 15 ans des dizaines de fois), on utilise comme source « exclusive » le journal de bord dans lequel sont consignés heure après heure tous les événements et tous les faits remarquables, notamment la météo, les routes, les événements imprévus, le comportement du navire, les sondages. Et devant le consul, on signe sur l’honneur.
- Lorsque, à Hambourg, le 2nd lieutenant ( survivant le plus gradé), rédige son protet de mer, sur quoi se base-t’il, il ne dispose que de sa mémoire, mais d’aucun document officiel, ... n’a t’il pas validé par sa signature un texte rédigé par ceux (les envoyés à Hambourg du gouvernement belge et des armateurs, dont Lecointe) qui avaient tout à perdre ou à gagner ? Et que vaut la mémoire d’un second lieutenant, manquant de surplus d’expérience (nouveau promu), dans de telles circonstances ?
- C’est cette absence du journal de bord qui me rend perplexe : dans bien des naufrages, c’est un document que l’on emporte avec soi. Hors il n’en est jamais fait mention, et pourtant j’ai consulté beaucoup pour écrire ce récit.

Épilogue.

Ce Comte de Smet de Naeyer, ce navire à « six francs six sous » avait surtout été pensé pour rapporter vite fait aux actionnaires sans se ruiner à la construction.
Un navire construit avec un budget imposé, un budget moitié moindre que celui alloué par l’Allemagne et le Danemark pour la construction de leurs navires écoles, à la même époque.
Avec un équipage presque gratuit : les cadets payaient bien cher pour participer au voyage au lieu d’un équipage normal rémunéré!

Encore un montage à la belge, ou souvent le politique (donc l’impôt des contribuables) paie et l’actionnaire encaisse... et c’est ce qui s’est passé ici.
On n’en a que pour son argent, bien sûr... mais pour cela risquer la vie de tout un équipage, c’est criminel.
Il fallait incriminer le système à la base de ce montage boiteux : le comité de cette Association Maritime et ces hommes politiques belges (les uns étant les autres et ... VICE-versa) qui pensaient surtout à leurs petites magouilles financières juteuses.

Auguste Fourcault aurait sans doute dû refuser le commandement du navire et telle était son intention. Plusieurs fois il a voulu refuser, d’abord alors que la construction n’est pas encore commencée puis encore une fois entre les deux voyages.
Quels arguments furent utilisés pour le faire changer d’avis ?
De l’argent sans doute, des promesses d’avenir dans des hautes fonctions de l’État belge, des décorations (certains se damneraient pour une médaille disait Renaud)....
Fourcault qui, la veille du drame au soir, sait que rien ne va plus.
Alors, avant la tombée de la nuit, ne fallait-il pas préparer les canots de sauvetage pour parer à tout éventualité ? Le temps pressait !
La nuit, tous les « mâts » sont gris, il n’est pas facile d’effectuer les bonnes manoeuvres. Agissons avant !
Fourcault au contraire attend le lendemain, laisse s’écouler des heures précieuses, conserve sa route et sa vitesse, et surtout espère que le navire sera encore à flot au lever du jour suivant, pour « y voir plus clair » et prendre alors les mesures nécessaires.
Pas de chance Gustave :
S’il a pu déterminer avec exactitude l’heure du lever du soleil ( on est marins bordel), par contre il semble ignorer la vitesse d’envahissement des cales et deeptanks par l’eau de mer !

C’est donc dès 4h00 du matin qu’il crie « Sauve qui peut »... l’aube se lève d’accord, mais il aurait fallu qu’elle se lève une heure plus tôt ou que le navire coule une heure plus tard...le navire disparait vers 7h du matin.

Je pourrais le comprendre le Gustave F :
Ses hésitations à accepter, refuser, réaccepter le commandement, ses raisons personnelles toutes autres que le vrai plaisir de partir sur ce navire, son manque d’expérience sur grand-voilier qu’il n’ignore pas, le fait que son premier officier est lui-même tout nouveau dans le grade, ayant fait promotion entre les voyages 1 et 2, rien ne contribue à la réussite de ces décisions si importantes de dernière minute.

Je crois :
1. que Fourcault, mis devant les faits, a hésité plus qu’il n’était normal pour tout commandant expérimenté.
2. que Van Zuylen, le premier officier, qui lui disposait de beaucoup plus d’années de navigation sur grand voiliers, n’a pas osé prendre lui-même, à l’âge de 27 ans, les décisions qu’il fallait, quitte à outrepasser ses fonctions, quand il a vu que le commandant ne réagissait plus.
3. que le reste de l’équipage a pris conscience de ce manque de coordination, de décision, au sommet, et a complètement paniqué.
Dans le cas contraire :
1. au moins un canot de plus aurait été mis à l’eau,
2. les vergues auraient été fixées la veille au soir à la baleinière qui débordée aurait accueilli le reste de l’équipage.
3. les voiles auraient été affalées la veille au soir et le navire stoppé aurait embarqué moins d’eau par les ponts. Pendant les dernières heures le navire devait faire eau par le bas mais aussi par le haut. Stoppé ce n’aurait pas été le cas, laisant plus de temps pour déborder les canots, prévoir des vivres, embarquer tout l’équipage.

Heureusement, tous sont partis avec l’absolution de l’aumônier Cuypers. Comme disait l’autre : « Ça leur fait une belle...palme » !
AMEN.

.. et FIN ... ou FAIM d’une suite ? Les débats à la Chambre des députés par exemple ?

L'équipage
20 nov. 2021
20 nov. 2021

Encore merci pour ton travail
Je ne sais pas si en france on conserve aussi longtemps les documents
Qq sait il si un tel travail a ete fait pour le pamir cela m interesserait

20 nov. 2021

tatihou... merci.. curieux non, le Pamir qui fut construit environ en même temps que le Comte de Smet de Naeyer et qui eut la même triste fin!

Petit matin Gibraltar juin 2024

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