Mort d'Olivier Stern-Veyrin

Voici l'article lu sur le site STW:

Message reçu ce 07 janvier 2007 à 0h26: « Olivier est parti surfer sur les vagues de l’éternité »

Adieu, l'ami!

Ce qui suit est un document rare : Olivier Stern-Veyrin était l’un de nos plus grands anciens, et des plus modestes, et sa parole était comptée.(*)

Jacques Rey avait pu recueillir au dernier automne quelques souvenirs de celui qui, même désormais retenu à terre, restait un marin passionné ; Olivier était membre éminent des Cap-Horniers de Plaisance, membre et grand ami de STW, observateur attentif et affectueux de nos développements.

Claude Rivard

Interview d’Olivier Stern-Veyrin

Réalisé le 26/11/2007 à Port St Louis par Jacques Rey

Ce lundi 26 novembre 2007 Olivier et moi nous retrouvons sur son voilier « Prince Azur » avec un Mistral terrible. Je suis venu l’entendre car il a tant de choses à dire que je voudrais tenter de retransmettre.

JR

Cher Olivier

Il y a quelques années, tu m’initiais à la navigation astronomique avec le sens pédagogique que l’on te connaît, mais aujourd’hui le GPS est présent partout. Comment intègres-tu ces nouvelles technologies ?

OSV

L’arrivée de ces nouvelles technologies que je ne rejette pas, a fait perdre la filiation avec les anciens et a fini par aboutir à l’affaiblissement de la poésie.

Quand en 1945, j’ai commencé à naviguer, le Yachting existait à peine, nos héros étaient les pêcheurs, rustiques, capable d’endurer les plus forts coups de vent. On avait un matériel inadapté, les cirés étaient réalisés dans des tissus ordinaires, le presse étoupe était une serviette mouillée et malgré tout cela on avait un moral énorme…

JR

Quels ont été tes premiers voiliers ?

OSV

D’abord un Caneton de 5m, 05 qui était basé à St Quai Portrieux. Puis ensuite, avec mon frère Francois qui a été le président des Dragons, le Dragon n°12, Orca 2 ; il était bien connu à St Tropez avec sa grande voile bleu et son foc rouge.

Avec lui, en 1950, nous sommes allés du Havre en Bretagne ; à partir de ce moment, je me suis passionné pour la navigation ; et puis, tout en faisant mes études de médecine, j’ai découvert la complexité et l’âme de ces voiliers construits en bois de Chine, d’acacia, d’acajou et de pin.

JR

On arrive maintenant à la grande aventure polynésienne que tu m’as si souvent racontée.

OSV

La Polynésie c’est 1951-1954 ; j’étais médecin. J’ai fait construire un Plan Cornu de 9m85 qui m’a été livré en Polynésie ; c’était un sloop que j’avais baptisé « Faowa ».Avec lui, j’ai navigué dans toutes ces merveilleuse îles des Marquises comme Atuona, là où est enterré Gauguin.

J’y ai retrouvé Marcel Bardiaux qui avait déjà réalisé un sacré périple et passé le Horn en 1953.

JR

Mais comment es-tu devenu cet expert de la navigation astronomique qui a su la rendre compréhensible pour beaucoup d’entre nous ?

OSV

C’est assez amusant. Dans le voyage qui, en 1951, m’amenait en Polynésie, j’ai rencontré un jeune officier de la Marine Marchande qui va m’apprendre la navigation. Il était jeune marié et il m’a demandé d’aller dormir dans mon voilier qui était solidement amarré sur le pont du navire « Le Chung-King .Peut être y ont-ils conçu leur enfant…

Mais, c’est ensuite parce que j’ai fait cette transat sur un Cap-Nord que j’avais acheté /« Smile », avec Anne, ma fille qui était toute jeune, et qui pouvait se trouver seule à bord en cas d’accident, que j’ai adapté ma pédagogie, d’une manière simple, en physicien .Le physicien reste dans le réel alors que le mathématicien va se perdre dans l’abstrait. Je reviendrai en solitaire et si mes souvenirs sont bons, je serai le 4eme navigateur à avoir signé le livre d’or de Peter au café des sports aux Acores.

Naviguer en solitaire donne l’impression que quelque chose de fondamental se produit. Tu acquiers étrangement un 6eme sens, une prescience, une extraordinaire liberté vis-à-vis de toi-même.

JR

1973/1974 c’est la première Whitbread, cette course autour du monde en équipage qui excite toute l’élite de la course au large. Jacques Grout vient te demander d’être son navigateur sur Kritter. Pour la 3eme étape, celle du Horn, tu quittes Kritter pour 33 Export. Quelle réflexion tires-tu aujourd’hui de cette expérience ?

OSV

Pour moi, ce qui était passionnant, c’était l’angle des grandes situations météo avec à la base les « Pilot charts ». Choisir la meilleure route était intellectuellement une immense satisfaction.

Mais j’ai rencontré dans cette course des gens d’une grande élégance et qui transmettaient les situations météo pour tous.

Tout l’équipage de 33 Export était des sans-grades qui se sont révélés magnifiques.

JR

Tu as passé les 3 caps en course et plus tard, en février 1990 sur « Prince Azur » le Horn en plaisancier. Te considères-tu comme un Cap-Hornier ?

OSV

Bien sûr. Le Horn est un symbole et comme tous les symboles, il peut être justifié ou non.

Il n’y a pas à se comparer avec les Cap-Horniers de la marine marchande de la grande époque, qui eux-mêmes ne pouvaient se comparer avec les marins des navires de Shouten et Lemaire.

Comme je l’ai écrit récemment à nos amis « nous sommes Cap-Horniers, parce que nous avons vu ce Cap de la mer, en voilier, tout simplement ».

Et puis, en arrière plan, il y a à Porto William le Micalvi, le plus original Yacht Club du monde, et ses Piscos, où nous avons tous passé de sacrés moments. On se sentait tous Cap-Horniers et personne ne disait on est « allé sur le Horn », pourquoi pas à cheval…

JR

Quels ont été les navigateurs qui t’ont le plus marqué ?

OSV

Sans doute, Alain Gerbault, car il a été l’amorce, il avait le romantisme bien qu’il ait laissé de mauvais souvenirs en Polynésie. Mais je pense aussi à Joshua Slocum, Curry Manfred et Paul Budker.

JR

Pour conclure, mon cher Olivier, que se dégage-t-il de ces 65 ans de navigation ?

OSV

Pour moi, c’est sans aucun doute l’attrait du large et c’est très différent de la course au large. Dans le milieu de le course au large, il y a un mot que l’on n’entend jamais, c’est le mot « mer ».Sans porter de jugement de valeur, ce ne sont pas les mêmes hommes. L’homme de course monte un cheval de course, celui de croisière un cheval sauvage.

Rappelle toi ce que je t’avais dit il y a quelques années, quand ma santé me permettait d’envisager encore une transat « tout voyage océanique est une croisière dans l’infini où l’homme ne laisse aucune trace ».

*

Ouvrages d’Olivier Stern-Veyrin

Solitaire ou pas, l’Atlantique par deux fois – Arthaud

Le Grand Océan (avec Jean-Pierre Millet) – Robert Laffont

L'équipage
08 jan. 2008
08 jan. 2008

Un grand bonhomme

Contrairement à beaucoup qui ont été marqués par la lecture de Moitessier (que je n'ai jamais réussi à lire...) moi c'est la lecture de "Solitaire ou pas" qui m'a laissé un souvenir émus.
Un des rares grands navigateurs que j'aurais aimé rencontré.

08 jan. 2008

Décès d'OSV

Moi aussi j'avais dévoré ses livres "Solitaire ou pas," et "Le Grand Océan" (dont il avait écrit la 2ème partie, "Le tournant, la promesse tenue.")

J'avais beaucoup apprécié le personnage, et par-dessus tout son écriture. Tous les marins ne sont pas de vrais écrivains, mais lui était les deux. Glorieuse époque où l'on pouvait encore écrire des livres sur une traversée de l'Atlantique en 38 jours.

Mais je parle d'un temps …

Merci à Jaoul d'avoir transmis l'info, qui apparemment n'a pas fait la une des medias.

08 jan. 2008

je suis triste ...

Je l'avais rencontré apres la projection du "grand océan" . j'étais alors tres jeune à l'époque . Il était venu vers moi parce que j'avais dû lui poser une question sur la croisiere en voilier . Je me souviens d'une personne simple presque humble malgre tous ses talents . j'ai beaucoup plus aimé la personne que les fatras chiffrés de la nav astro !
Plus tard il était parti en terre de feu avec son voilier acier .Les photos étaient belles et son article intéressant . c'est peut etre lui qui m'a donné envie de visiter la Polynésie et la Patagonie.

09 jan. 2008

Tout n’est que paix

Il me semble que c’était dans son livre “Solitaire ou pas”, où il raconte sa transat avec sa fille.

Un chapitre était intitulé “tout n’est que paix”.

J’étais un adolescent qui rêvait de navigation lointaine et ces quelques pages à la plénitude hautement contagieuse, racontant simplement le bonheur d’être en mer, la douceur d’un soir d’été entre Bretagne et Galice, ont participé à ma contamination par le virus.

Il y a des pages, comme ça, qui vous restent en mémoire pour longtemps.

Merci Olivier Stern-Veyrin

09 jan. 2008

Ne pas oublier

son bouquin sur le point astro qui est vraiment bien expliqué - le genre "pour dummy" - et hyper complet pour les besoins de la nav.

09 jan. 200816 juin 2020

Le départ sans retour de notre ami Olivier...

A tous ceux qui ont connu et cotoyer Olivier, nous lui rendons hommage dans notre Blog où nous relatons notre accident survenu avec Olivier et Prince Azur en Patagonie Argentine en 1992, sur la route du Horn...
Pour tous ceux qui veulent en savoir un peu plus, notre Blog est accessible à tous. Voici un lien pour aller lire cette aventure... Chap 138, lien direct :
25ansautourdumonde.blog4ever.com[...]96.html

Voir article de ce jour pour les cérémonies sur DERNIERE MINUTE...

Ci joint une photo prise à La Grande Motte lors de notre dernière rencontre (en septembre 07) avec Jacques Rial (Claude, Olivier, Rémy et Jacques)... Bon voyage Olivier, mon ami !

2015-08-02 - Entre Canna  et Tobermory (Ecosse)

Phare du monde

  • 4.5 (68)

2015-08-02 - Entre Canna et Tobermory (Ecosse)

2022