Deviendrions-nous tous progressivement passablement timorés ?
Deviendrions-nous pas tous progressivement passablement timorés ? Peut-être est-ce une très bonne nouvelle ?
Bonsoir à tous, je suis toujours assez surpris en lisant HEO que d'une manière assez systématique les intervenants cumullant le plus de milles semblent également être ceux qui en général relativisent le plus les dangers liés à la navigation, ou identifieront des dangers qui ne seront pas nécessairement les mêmes que ceux qui ont moins de milles au compteur.
A tord ou à raison, j'en déduis que ces personnes se sont donné au préalable la chance d'accumuler suffisament d'expérience (variée) pour pouvoir effectuer ce tri.
Non seulement ils se sont donné cette chance, mais ils l'ont souvent fait il y a un bon moment, pour certains d'entre-eux avant le GPS, l'AIS, le radar à bord etc. Donc on pourrait en déduire qu'un gouffre sépare deux populations de plaisanciers. Ceux qui font pas grand chose avec tout, ceux qui on tout fait avec rien.
Je pense à ça car hier je visionnais une vidéo à propos d'une "razzia" des pirates barbaresques d'Alger en Islande en 1627.... Donc voila nos braves pirates se dorant la pillule sous le soleil d'Alger qui se disent soudain "bin, si on allait mettre le boxon en Atlantique nord dans nos bateaux méditerranéens bas sur l'eau ?". "How could it possibly go wrong ?" comme diraient nos voisins Anglo-saxons.
Les exemples comme ça abondent. De manière beaucoup moins spectaculaire , vers 20 ans (1960) mon père et ses copains traversaient la Manche à partir de la côte Belge sur un cottre des Glénans à l'intérieur duquel "on voyait l'eau à travers les bordés" (pour ceux qui connaissent les bateaux en bois à bordés, j'imagine que ceux-ci avaient un peu "sèchés" et du coup étaient un poil trop contracté),
Donc bien entendu pas de moteur, pas de radio, pas d'électricité etc. etc.
Que nous devenions insidieusement et progressivement un peu couillon est probablement en partie lié au confort (?) et en partie à l'excès d'info (?). Si un japonais se fait sectionner le petit orteil par un crabe, vous aurez dans la semaine qui suit 200'000'000 personnes partout dans le monde qui auront peur de se tremper les pieds dans l'eau. Peut-être aussi ça a toujours existé et j'ai tord de considérer cela comme une nouvelle tendance ?
Finalement n'est-on pas infiniment plus rassuré de crever d'une source de risques familière que d'un danger inconnu ? Les plaisanciers dégustant leur 4ème martini de la soirée après avoir dégusté des merguez partiellement carbonisées seront certainement d'accord avec moi.
Parfois il m'arrive de penser que cette dynamique de trouille est une incroyable chance à saisir, que resterait-il des rares coins tranquilles si on persuadait tout le monde d'au moins se laisser la chance d'expérimenter au lieu de relire 3 fois son contrat d'assurance, demander l'avis à son coiffeur, pour finir de décider que non, cette été ce sera encore Lorient - Belle-île ou Marseille - Bandol, comme les 5 années précédentes.
Cette question me trotte dans la tête depuis un bon moment, depuis que je re-navigue je suis progressivement de plus en plus étonné du peu de personnes possédant ce fantastique support de voyage qu'est un voilier peu importe la taille mais semblant dépourvu de cet "appel du large", de cette curiosité, pour y , "par ce que c'est la" comme disait je ne sais pas quel alpiniste à propos de je ne sais quelle montagne, cela toutes contrainte familiale et professionelle prise en compte évidement. Ces obstacles sont réels, mais semble-t-il moins souvent mis en avant que simplement l'angoisse de l'inconnu. Je note aussi un changement en moi, auparavant je me disais, ces gens ont certainement raison, je ne sais pas pourquoi mais ne rien faire ou faire tout le temps la même chose est certainement la bonne attitude, curieusement en veillissant je commence à changer d'avis.
Quelles sont vos impressions ? d'être entouré d'une bande de casses-cou irresponsables ou, au contraire, de parfois vous interrogez à propos du monde dans lequel vous vous trouvez ? De cette poursuite vaine du "zéro risques" qui est, je pense, relativement illusoire et même quelquefois appauvrisssante ou faite sans discernement ?
Ce texte est assez long et je remercie d'avance ceux qui auront eu le courage de le lire jusqu'à la fin, je serais fort content de lire vos avis sur le sujet.
Bonne soirée.
Pierre
A te lire j'ai plutôt l'impression que les deux coexistent dans des proportions que je ne sais pas estimer. Dans une société où tout doit être hyper-sécurisé, normé, encadré et où le moindre imprévu est souvent vécu comme une insulte à l'intelligence humaine (cf les psychodrames médiatiques dès qu'il y a un épisode de neige), il n'est pas si étonnant que se développent par ailleurs des pratiques dont le moteur est la prise de risque, à la condition que, dans la plupart des cas, cette dernière soit désormais exploitable sur les réseaux sociaux... Dans mon entourage il me semble avoir des exemples de ces deux tendances antinomiques.
Bonjour,
Brel disait dans une de ses chansons une phrase qui résume ton propos:
«Le monde se meurt par manque d’imprudence» ou quelque chose comme ça.
Je pense qu’il avait raison. Il faut aller voir au devant de son étrave. Sortir de sa zone de confort n’est pas donné à tout le monde. Il faut oser.
Ce qui n’est pas facile...
Bonne journée,
Patrice
bjr
perso j'aime bien "l'aventure" , mais raisonné ,et calculé
-par exemple ,je passe le RAZ de Sein par le passage interieur et m^me une fois par Toul Bihan
il y a deux ans je suis passé par l'interieur des rochers de Portsall plutot que de faire le tour .
Pour ceux qui connaissent , je passe toujours par le passage de la Malouine à l'Aberwrach
si ça se presente on rentre dans le Golfe du morbihan en tirant des bords si le vent est de face (l'équipage en chi...) (moteur en route tout de m^me)
Pour "relativiser" , les barbaresques et vikings étaient des navigateurs côtiers. Bon...
Pour celui qui n'est pas trop motivé, il trouvera toujours les "fausses bonnes raisons" pour ne pas naviguer ou pas trop loin. À mon sens c'est plus un état d'esprit au sens large que l'instant de la réunion parfaite ou non des conditions du départ et de l'évasion, ! Les "restaterres" ont les alibis, les navigateurs du large, les aventuriers ont les cartes, les projets et savent franchir le premier pas!
Ce n'est surtout pas un jugement, juste un constat!
Chacun fait sa vie comme il le veut. Attention à ne pas être dupe de soi-même car les regrets surviendront sans doute en "fin de cycle" !
Pas assez courageux pour tout lire, mais le plaisancier vacancier au long court d'aujourd'hui est un bobo consommateur qui n'y connait pas grand chose et qui angoisse. Il navigue au portant, laisse son bateau au sec et prend l'avion bien trop souvent.
Et d’intervenir sur tout et rien pour ne pas dire grand chose d’interessant… ·le 28 août 2023 20:43
Une expérience récente (3 jours).
Cap Nord vers la perfide Albion. Les rails montants et descendants à traverser, de jour.
L'écran à la table à cartes montre les cibles AIS sur les rails en nombre.
De quart en haut, à la barre, rien tant à bâbord qu'à tribord 🤔 et même au delà de l'horizon.
Loin de moi l'idée de suggérer que faire la sieste sur cette zone ne pose pas de problème! Mais faire croire que c'est vraiment risquer sa vie (équivalent à traverser à pieds le périphérique parisien) est, pour moi, abusif.
Trop d'informations tue l'information 😟.
Alpaga , vikings navigateurs côtiers !!!
Ils sont les premiers européens à avoir découvert l’Amérique et bien avant Colomb .
Quant à la prise de risque, l’évolution des techniques me semble avoir largement diminué les risques de naviguer sur nos frêles rafiots dans des mers déchaînées ( humour )
Oui oui, au début les Vikings étaient des navigateurs côtiers, ils allaient faire des razzia dans les îles d'en face, donc navigation à vue. Puis ils ont "découvert" la navigation en latitude et sont allé faire leurs razzias en Ecosse.
Si ils avaient plus de 20 jours de brouillards, en suivant le vent, ils se retrouvaient Nord Ecosse, les îles Féroées, et par hasard un groupe est arrivé en Islande vers 860. Ce groupe était composé de marchants et paysans sans les brutes et leur chef.
Donc l'installation s'est faite en Islande avec le but d'y rester et pas de revenir avec le butin comme les brutes et leur chef. Pas grand monde en Islande à leur arrivée pour contester l'occupation des terres.
Leur croyances et leurs dieux, les transformaient en acteurs sans aucune peur dès leur jeune âge. C'est le passage au christianisme qui a amené le concept de peur et limité ensuite leurs déplacements vers l'inconnu.
Autre anectode qui serait difficilement compréhensible de nos jours. Quand j'avais 17 ans mes parents m'ont envoyé apprendre l'anglais en angleterre car de toutes façons l'année scolaire en cours était perdue pour moi. Je me suis retrouvé chez un anglais, amis d'un amis de mes parents. Il voulait nous montrer son bateau, on va sur une rivière (Deben river, sud est de l'angleterre) et il nous montre un adorable folkboat (donc coque à clins en bois 7,5m). Il y avait rien à bord quasi. Un détail attire notre attention, le fond du cockpit, c'est des planches non étanches. Donc la flotte qui vient à bord bin elle file dans le fond bu bateau, au-dessus du lest. Est-ce que c'est spécique à ce Folkboat la ? Bin non, pas vraiment. On lui demande ou il est allé avec ce bateau. Au Danemark nous répond-il. Par le canal de Kiel ? Non, par l'extérieur, Kattegat. Il faut voir le coin, c'est le cul de sac de la mer du nord la côte ouest du Danemark, quand il y a un coup de vent on arrive la au fond et il n'y a pas vraiment d'abris, les vagues se chargent de faire du bois d'allumette avec le Folkboat en bois et pi cé tout si on calcule mal son coup. Donc aussi, pas de moteur, pas d'électricité, ni d'électronique etc. C'est cette impression qu'on est passé en 50-60 ans du stade "viking" au stade "couillon". C'est un laps de temps incroyablement court pour une pareille mutation.
La société française se polisse…
Je dirais même se couille-molise comme disait un certain Jacques à un certain Edouard dans les Guignols.
L’état en est pour une grande partie responsable et les journalistes aussi. Ayez peur de vos voisins et ne parlez plus à personne
La peur est la plus grande maladie humaine : celle qui mène vers l’inaction et l’extinction
En bateau c’est pareil
Après cela changera dans quelques années et nous pourrons repartir à l’aventure du moins pour ceux qui resteront.
Nous arrivons dans une période de transitions sociétales où ces mêmes couilles-moles auront quasiment toutes disparues (autoregulation de la population planétaire).
Bon je délire un peu mais ça fait du bien s’ouvrir sa goule en tenant des propos non lisse…
Bon vent à tous
P.S.: Je ne me considère pas mieux que ceux que je cite
Au niveau de la nav, je fais bien comme j'ai envie et chacun peut bien faire de même. Ce qui me gène le plus, c'est la diminution, le caractère policé et le refroidissement des relations humaines. On a peur de son voisin. Qui prend encore un auto-stoppeur s'il ne s'est pas au préalable inscrit sur bla bla car?, Qui va inviter son voisin de mouillage (à part les vieux) s'il n'est pas référencé ?, Qui ose encore dire bonjour en souriant à une femme, si on n'a pas d'abord déposé ses coordonnées sur "mec sérieux.com"? J'ai un peu l'impression que plus que la découverte de nouveaux pays, ce qu'on cherche dans la croisière lointaine, c'est retrouver des relations saines, directes et faciles.
Bonjour,
Je suis assez d’accord avec ce que vous dites. Il me semble que le « problème » vient plus du confort que du niveau d’information. L’information, bien sûr il y a pas mal de débiles mais globalement, nous savons gérer. Par contre le confort, personne ne sait s’en passer et c’est lui qui nous rend chochottes. C’est pour ça que j’aime me lancer des petits défis en naviguant sur mon petit voilier : pour m’extirper un peu de mon cocon de confort.
Allez mettons un coup de pied dans la fourmilière : pour ma part, tout cela me semble être le simple fait de vieillir et de se laisser leurrer par nos biais cognitifs.
Ex :
- vous voyez à 17 ans un marin très compétent qui navigue comme toutes générations avant lui sans rien. Vous en déduisez implicitement que tous les marins étaient comme lui. En passant outre tous ceux qui sont morts, c’est le biais du survivant. 50 ans après cette impression c’est ancré dans le cerveau et vous regardez autour de vous en ne voyant que des incompétents.
- le progrès a généré trop de confort et nous a ramolli : bien sûr mais est-ce pour autant que vous accepteriez de vivre comme des étudiants d’aujourd’hui ? Sûrement pas, non pas simplement à cause du progrès mais parce que l’on vieillit et que l’on ne veut plus toutes les contraintes que l’on supporte pourtant sans problème à 20 ans.
Si cela paraît mieux avant c’est seulement parce que avant on était jeune, mais en fait c’est mieux aujourd’hui, et rien ne changeant vraiment les jeunes d’aujourd’hui diront dans 50 ans que c’était mieux avant.. (ce qui sera peut-être vrai cette fois à cause du climat).
C'est vrai que j'ai l'impression que le "tout pour la sécurité" est devenu le premier critère de nos jours. Rien que dans ce forum, combien se font traiter d'inconscients quand ils exposent des projets qui sortent des sentiers battus, combien de fois a-t'on lu ici ce genre de phrase : "on ne plaisante pas avec la sécurité", "en mer on n'a pas droit à l'erreur", "il faut faire son apprentissage avant de prétendre naviguer", etc… Ce n'est pas la formulation qui me gêne, c'est le champ d'application : c'est souvent un commentaire sur des choses qui me semblent assez anodines. J'ai moi-même appris à naviguer sur le tas dans le golfe de Gascogne, et si toutes les erreurs devaient être fatales, je ne serais pas actuellement en train d'abuser de votre temps. On dirait que les gens ne se sentent le droit de faire quelque chose que s'ils ont eu un maître, un moniteur ou un coach, selon les modes du moment, qui leur a donné sa bénédiction. C'est vrai, on peut apprendre la voile dans des écoles, mais on n'apprendra à naviguer que par sa propre expérience.
Je pense que la culture des médias n'est pas étrangère à ce phénomène. Pour parler de quelque chose que je connais bien, le bassin d'Arcachon, par exemple : à entendre tous les commentaires, c'est un endroit hyper dangereux, où il vaut mieux éviter de trainer sa quille. Si vous dites que vous allez faire une escale à Arcachon, tout le monde va vous dire que c'est dangereux etc…, alors que la seule raison valable de ne pas y aller est la sur-concentration de jet-ski et de semi-mous !
Toujours sur l'influence des médias, cette sécurisation prioritaire permet tous les discours. Par exemple, l'hélitreuillage des occupants du semi rigide qui a bien fait parler de lui il y a trois semaines. Les médias, et les requérants ainsi que les autorités, ont justifié cette intervention par la présence d'enfants à bord. Cet argument a d'ailleurs trouvé une adhésion quasi unanime sur ce forum. Sécurité, sécurité avant tout, surtout pour les enfants !!! Mais cette raison invoquée est bien la preuve que cette intervention était injustifiée, puisque si des adultes s'étaient vraiment trouvés en danger, avec ou sans enfants, on n'aurait pas trouvé nécessaire de justifier une intervention. Encore une fois, la médiatisation, et donc le besoin d'ouvrir le parapluie, ont poussé à des conduites hyper sécuritaires uniquement pour satisfaire à une culture du tout sécuritaire devenue la norme actuelle.
C'est vrai que ça me pèse, surtout lorsque cela sert de prétexte à la mise en place de lois et de restrictions qui ne rassurent que les incompétents.
J'ai fait dans les années 70 mes premières expériences de navigation et mes premières sorties du bassin vers les pertuis ou vers le pays basque sur une corvette Herbulot sans moteur (tout le monde connait sa fabuleuse aptitude à ne pas faire du près et à ne pas dépasser les trois nds !), avec une règle Cras, un miniMorin et un routier du golfe (et de quoi faire quelques sandwichs), si quelqu'un aujourd'hui disait sur le forum qu'il va faire ça, il se ferait traiter de fou et menacer d'internement ! Je ne me permettrais pas de juger si c'est bien ou pas bien, je ressens simplement que les temps ont bien changé, et je me sens un peu comme un dinosaure !
C'est surtout que les jeunes avec envie, sont vites cassés par l'accueil et ne reviennent pas, 2 exemples dernièrement, 3000€ pour un voilier et je pars en vacances avec ma copine et l'autre, achat d'un bateau avec 2 chiens et un déménagement dans le 73, on peut rajouter crevette rose et l'ossature bois en vente (donc 4 exemplaires).
Je suis bien d'accord avec les deux post précédents(ED et woozoo), mais je vais rajouter tout de même ma tit analyse ;)
J'ai en effet l'impression que la tendance est au ramollissement de la "fureur de vivre".
Aujourd'hui, on a peur de tout, tout le temps. Avec l'accès a toutes les infos qu'on a, et avec la culture de l'ingénieur qu'on nous a inoculé dès la primaire, on a besoin aussi d'avoir toutes les données avant de faire quoi que ce soit.
Et pour finir on veut aussi ce qu'il y a de mieux et au meilleur prix donc on passe notre vie a éplucher les comparatifs pour trouver quelle est la meilleure manille du marché.
Ça s'explique à mon avis facilement: la sécurité ça s'achète, et donc ça se vend.
Comme on est fortement conditionné pour n'être que de dociles consommateurs, on nous crée des tas de besoins de confort ou de sécurité, et on tombe dedans avec gratitude car c'est vrais après tout, c'est rassurant de savoir qu'on a un pantalon certifié ISOxxxx contre les déchirures...
Pierre3 tu a cité Edmund Hillary qui a réalisé la première de l'Everest avec Ten Sing, son sherpa. Pourquoi a-t-il gravit cette montagne et entreprit tout ça? "Parce qu'elle est là" a-t-il répondu au journaliste. Ça permet de faire une belle perspective avec notre époque:
Pourquoi a-t-on un propulseur d'étrave a caméra thermique, couplé à un radar tri-dimentionnel connecté en direct par satellite au sonar HD qui est lui-même relié à la machine à glaçon qu'il active dès qu'il voit que la pioche est plantée?
Parce qu'on le peut.
C'est peut être même d'ailleur un élément clé pour comprendre cette mollesse et cette frilosité qui semble toucher principalement les populations occidentales.
On a peut être trop de fric pour pouvoir oser faire simple.
Je l'ai constaté en retapant notre bateau: je voulais au départ partir avec le minimum, mais au moment de l'armement, quand on traine un peu sur ce forum ou -pire- qu'on lit les articles de V&V, on en arrive vite à la conclusion que si on a pas un dessal, un pilote à vérin, une girouette anémo (un frigidaire, un jolis scooter.... Et du dunlopilo;), On est des irresponsables de la pire espèce et qu'on va risquer la vie de tous nos passagers a chaque sortie de port.
Bien sùr c'est des généralités, et on croise tous les jours des aventuriers de notre époque qui font beaucoup avec pas grand chose. Souvent ils ont pas un kopec (et c'est peut être tant mieux pour eux, finalement).
On peut très facilement passer à côté, car en général il ne vont pas forcément s'approcher spontanément du cata de 60' mouillé à côté.
Et puis, ils peuvent avoir de la barbe, des tee-shirt usés, des poils aux pates, des bateaux pas beaux...
Donc ils font peur aux plaisanciers lambda (cf le premier paragraphe de mon développement) qui prend bien garde à ne pas trop s'en approcher, on ne sait jamais.
Puis si d'aventure on finit par briser la barrière de l'image, en général on finit par devenir pote et passer des supers moments, mais combien osent?
Il y a aussi sans doute une question de représentation personnelle de l'accomplissement de vie. Les autres de notre génération sont majoritairement en train de réfléchir a faire le deuxième gosse, à calculer les traites de leur crédit immobilier, à attendre d'avoir une promotion.
"On voit ce que tu es quand on vois ce que tu possède" chantait IAM, et ils se réalisent à travers une belle maison, une voiture qui brille, des enfants ingénieurs...
D'autres savent qu'ils n'emmèneront rien de tout ça dans la tombe et qu'ils sont donc ici-bà pour vivre et accumuler les expériences.
Paradoxe il arrive parfois que certains vagabonds de la seconde catégorie finissent par arriver à une plus grande aisance matérielle que les premiers, mais en plus, eux, ils ont vécu.
Il y a enfin un dernier point important qui contribue à expliquer ceci ou cela:
Comme on l'a vu on est conditionné à désirer puis acheter tout, tout de suite, pourvu que ce soit le meilleur. Quand le lave-linge a une fuite on le change pour un neuf car il sera livré en 2j, plutôt que d'attendre 2 semaines pour le réparer ou pire, de mettre sois-même les mains dedans (encore que les plaisancier ont tendance à être par nécessité bien plus bricoleurs que la moyenne).
Pourquoi réfléchir et perdre du temps à faire (ou refaire) sois-même quand on peut acheter et jouir instantanément de ce que l'on désire tant?
Donc on est devenu flemmard.
On a vu plus haut qu'on a besoin de connaitre tous les paramètres pour faire quoi que ce soit, qu'on a très besoin de sécurité et qu'on sait très bien faire chauffer la carte bleue.
Donc pourquoi se faire **** à vivre l'aventure, l'inconfort, l'incertain?
Si on a un bon boulot, qu'on profite bien des meilleures promos et des bons plans, alors on pourra facilement acheter tout ce dont on a besoin. Aucune raison de s'exposer à l'inconnu, si?
Les souvenirs? L'expérience de vie? Les richesses de la rencontre? L'accomplissement personnel?
Avec notre super emplois bien plan-plan on a largement le temps de profiter de la promo pour le voyage organisé en islande qui nous laissera des photos inoubliables. Ça aura été une expérience incroyable, en plus l'avion a été bloqué 2j avant de repartir a cause du vent.
On a pu rencontrer plein de gens comme nous via les réseaux sociaux, ça nous a bien occupé pendant l'attente.
Et en plus on s'est super bien débrouillé car on a trouvé un rbnb 10% moins cher avec nos points de fidélité, et heureux hasard, le proprio qui était adorable nous a loué une voiture pour une misère, on peut être fiers de nous pour ce coup.
Voilà un peu où on en est.
Nietzche doit bien rigoler de là où il est. Adieu le sur-homme, adieu la volonté de puissance, a quoi bon être, quand on peut posséder?
Enfin, pour conclure sur une note un poil plus optimiste, je dirais qu'il reste encore entre 20 et 30% de la population de ma génération qui ne se sont pas laissé prendre au piège, ça laisse largement de quoi rencontrer plein de monde aux escale, et même au-delà de notre génération, on se lie presque encore plus souvent d'amitié avec des "anciens" car il en reste encore pas mal des biens vivants.
Les autres, ils font malheureusement pas grand chose d'autre que de faire partie du décors...
Et mois dans tout ça? Une sorte d'hybride bâtard perdu entre tous ces mondes, et qui fait ce qu'il peut :D
"La peur est la petite mort de l'âme"
Franck Herbert
Vous remarquerez que la société évolue vraiment à deux vitesses, ou plutôt dans plusieurs directions opposées.
D'un côté, il y a, c'est vrai, une surenchère à la prudence, aux normes dans tous les domaines y compris sur le plan moral, au "risque zéro" mais avec un parfum d'aventure; on veut vivre "une expérience", si possible sans ses aspects austères ou dangereux.
Mais dans le même temps, nous connaissons tous, dans le monde réel ou/et à travers les écrans, des gens qui entreprennent ce que nous n'aurions jamais osé (en tous cas pour ce qui me concerne). On voit se multiplier des sports extrêmes (vraiment extrêmes), des modes de vie alternatifs, loin des villes, en bateau, à vélo, en fourgon etc...
Pendant que le marché tente de nous asservir pour mieux rentabiliser nos comportements, mieux budgéter ses investissements et mieux prévoir ses retours sur investissement, quantité de gens, et j'en connais personnellement, s'en affranchissent. Ça vaut pour les loisirs, pour l'équilibre de vie dans son ensemble, mais aussi parfois pour la manière de s'établir professionnellement et socialement.
Tout ça pour dire que j'ai bien du mal à voir une tendance dominante; j'ai plutôt l'impression que des pans entiers de la société prennent des orientations différentes, et que certains, à coup sûr, développeront des capacités d'adaptation et une autonomie que les autres n'auront pas. Ce n'est d'ailleurs pas nouveau.
La liberté et l'autonomie ne sont pas toujours innées. Il faut parfois des années, voire quelques décennies pour prendre confiance en soi, se défaire d'anciennes entraves, s'affranchir de certaines contraintes, oser se tromper, assumer réellement ses erreurs et leurs conséquences.
"Sommes-nous trop timorés?" A cette question, je répondrais spontanément :"oui!", surtout si je regarde mes propres choix de vie et ceux de mon entourage personnel ou professionnel immédiats. Et c'est précisément ce que le bateau m'aide à dépasser.
Quant à savoir si la collectivité l'est aussi, je n'en suis pas si sûr.
La créativité et la capacité à s'adapter, à s'affranchir des contraintes, à rêver haut et loin avec juste ce qu'il faut d'inconscience, ont de beaux jours devant elles.
En fait, tout ça est surtout une question de limites. Limites financières (que vais-je pouvoir acheter comme bateau?), limites humaines (qui viendra éventuellement quelques jours à bord?), limites physiques (qu'est-ce que je suis encore capable de manœuvrer à mon âge?), et surtout, quelles limites met-on à ses envies ?
Après, il y a la peur. Peur d'être jugé par ceux qui n'y connaissent rien, pire parfois que si c'était par des amateurs un tant soit peu éclairés. Peur de leurs railleries si je me plante, peur de leur jalousie si je réussis, peur même de communiquer trop puisqu'en fin-de-compte je navigue pour moi et que parmi les quelques amis et connaissances abonnés à mon canal Telegram (une trentaine de personnes, famille comprise...), rares sont ceux qui peuvent comprendre ce que je vis, ou ce que j'endure parfois pour mon seul plaisir. Égoïste. Instructif. Jouissif.
Plus j'avance et moins je communique. Autant rester discret et les laisser croire que tout va bien, que tout est normal. À peu de choses près, c'est le cas. Les difficultés finissent par s'aplanir "en route".
La solitude se fait parfois pesante ? C'était dans le contrat de départ : nous ne sommes qu'en pré-retraite, ma compagne doit rentrer travailler 5 mois par an, entre juin et septembre, et surtout en décembre.
Je travaille 3 mois par an en télé-travail depuis le bateau, je ne rentrerai qu'en décembre.
Question d'état d'esprit. Voir le positif. Se dire qu'on est bien au soleil. Nouer d'éphémères contacts avec des navigateurs de passage, échanger quelques tuyaux puisque je suis quelque peu à contre-courant des vagues migratoires ou sabbatiques.
Je ne suis pas, pas encore tout-à-fait un voyageur, mais déjà plus vraiment un touriste. Les gens prennent le temps et sont bienveillants. C'est moi l'étranger, c'est à moi de m'adapter, de prendre leur rythme. Sinon, à quoi bon voyager ?
Encore 3-4 ans à ce rythme et nous serons pleinement en retraite. Il y aura encore moins de limites. 😉
La Contrie a raison, il y a maintenant des personnes qui osent des choses que l'on n'aurait même pas imaginé, qui prennent des risques insensés (tiens, j'ai dit insensé !) mais c'est une minorité, peut-être qu'ils étaient aussi nombreux autrefois mais n'avaient pas le battage médiatique. Cependant, je pense que culturellement, c'est à dire que cela concerne la majorité d'entre nous, nous devenons plus timorés et dépendants d'accessoires ou démarches sécuritaires. Il suffit de lire ce forum, qui pourtant est censé concerner des "aventuriers" de la mer. Je suis consterné de lire que des équipements que je considérais comme de "confort" sont maintenant clairement classés dans les équipements de "sécurité" indispensables, comme par exemple le moteur, le GPS, la VHF, toute l'électronique, le smartphone, etc… Cela est d'autant plus consternant que cette sécurité est illusoire : c'est vrai que le guindeau électrique me permet de relever mon mouillage, alors que je n'ai plus la force de le faire à la main. Mais est-ce vraiment une sécurité ? Grâce à tous ces équipements dits de "sécurité", je me trouve actuellement à naviguer au delà de mes possibilités physiques. Le jour où ces gadgets me lâcheront, serais-je en sécurité ?
imaginez un instant qu'un "terrerien" lise toute cette prose ...il croira avec stupéfaction qu'en dehors de la plaisance ou de la mer la vie est morne,triste, inexistante,et point "d'aventure" et qu'il aura donc raté sa vie ...n'ayant pas connu ce "super loisir" dedié à une élite ,ou a des surhommes...
l'aventure ou le risque doit etre dans la vie de chaque instant ...et je dirai par dessus tout dans ce qui nous occupe le plus de notre temps :le travail ..le reste c'est du loisir ,de la promenade, de la distraction ,
Bonjour,
pour moi la réponse est oui et à l’échelle de tous les pays développés, j’en veux pour preuve nos réactions planétaires pendant le Covid.
Merci à tous les intervenants et surtout à Pierre3 qui a lancé ce sujet bien plus rafraîchissant que le sujet habituel sur le frigo en panne.
Que dire après tout ça ?
Si, j'ajouterais peut-être que nos désirs de possession entrainement un surcroît de jalousie dans la société, jalousie entretenue par certains politiques car c'est leur fonds de commerce.
C'est ce côté de nos mentalités qui me chiffonne. Nous avons le c... dans le beurre et nous ne nous en rendons pas compte, justement faute d'avoir vu ailleurs ou pire d'être allé dans cet ailleurs mais de ne pas l'avoir regardé car le club était all inclusive et les visites très encadrées et toutes décidées par le tour opérateur. C'est dommage d'être passé à côté de cette "richesse d'être" et de ne pas l'avoir saisie.
L'aventure a un prix, mais ce prix varie beaucoup selon celui qui veut la vivre et la définition qu'il en a.
Après tout, aller acheter son pain le matin est une aventure, fait-il beau, y a t-il du vent, qui vais-je rencontrer, restera t-il de cette boule au levain que j'adore ?
Et s'il se met à pleuvoir, mon parapluie suffira t-il ou aurai-je la possibilité de m'abriter sous un abri-bus ...
Celui qui veut faire, trouve une solution ; celui qui ne veut pas faire, trouve une excuse
Petite digression...
Risque zéro
Histoire récente vraie, pas personnelle.
Venu s’abriter avant le gros coup de vent annoncé, un solide ketch acier d’environ 45’ est amarré au quai public, juste après la station de pilotage de Port-La Nouvelle. C’est là aussi que se met le canot de la SNSM et les vedettes de promenade pour charger/décharger leurs clients. Il y a une bonne centaine de m de quai libre avec des bittes d’amarrage sérieuses et une profondeur de 9 m.
C’est en bordure du chenal par lequel peut passer à la fois un seul petit cargo d’environ 50 m, amarré plus haut dans la darse, avec toujours le pilote du port à bord et un ou deux remorqueurs en sécurité. Le chenal est dans l’axe du vent dominant.
L’autre nuit, les malheureux occupants du ketch, héonaute, un jeune couple avec deux très jeunes enfants (le 3e manifestement en route) ont été réveillés par la Capitainerie et sommés de débarquer immédiatement sur le quai, le temps que passe le petit cargo… pour ne pas risquer l’écrasement de leur bateau en cas de fausse manoeuvre… le règlement prévoit que les bateaux amarrés là soient inoccupés ! (ce qui n’est écrit nulle part !).
Voilà donc la petite famille grelottante en plein vent sur le quai, à regarder passer les c… !
C’est beau le principe de précaution.
PS Depuis des décennies que j'habite là, jamais un cargo n'a écrasé quelque bateau que ce soit amarré en bordure du chenal...
un autre genre "d'aventure" :partager sa vie ou une partie avec une autre personne , avoir , elevé , eduqué des enfants rendre toute la "tribut" heureuse cà c'est une vraie aventure (pour moi) ..partir en bateau , c'est de la promenade, de la distraction, du loisir futile... il n'y a pas à en tirer gloire ...
Avoir un boulot et dire un jour 'j'ai fait ça!!!" quelle plus belle aventure , la vraie ?( a mes yeux)
Hello,
L'aventure est une notion tout à fait personnelle.
J'essaye de vivre un peu à l'ancienne,mais il y a quand même frigo,dessal et un peu d'électronique à bord .
Beaucoup de choses ont été faites avec la possibilité de travailler en école de voile avec le canote, c'est difficile de faire la part des choses.
Au cours de mes rencontres je vois bien le fossé qui me sépare des nouveaux navigants,qui sont ultra équipés, télé, congel micro ondes, machine à laver,etc...
De façon générale nos centres d'intérêts sont totalement différents et je m'ennuie lors des échanges avec cette population.
Fini les anciens minces et toniques,place aux gros gabarits bien ventrus dont les conversations sur la bouffe encore et toujours, l'alcool encore et toujours,les ancres encore et toujours,les pannes de systèmes usine à gaz encore et toujours,le hors bord qui marche pas,etc,etc tournent en boucle.
La voile s'embourgoise je pense que tout le monde est d'accord.
S'il faut faire un effort ou prendre le temps on ne trouve plus grand monde hélas.
Sur le mouillage je suis bien souvent le seul à ramer où me servir du gréement, pourtant j'ai des hors bords disponibles.
Plein de gens s'en étonnent,tout comme quand je dis que je n'ai pas de télé ni à bord ni à la montagne l'hiver, ça me fait rigoler.
Tout comme quand je pars courir ou faire du vélo à 62 ans,alors que beaucoup à cet âge ont déjà baissé les bras,et se lâchent bien trop sur les plaisirs de la vie.
Après c'est une question liée à l'endroit où l'on vit,sur Chamonix par exemple la proportion de gens en bonne santé est impressionnante,et on ne voit pas de gens obèses en montagne évidemment quand on randonne hors pistes.
Je ne me sens en rien exceptionnel,juste normal, mais je vois que trouver des gens avec qui je peux avoir des échanges riches est difficile.
Hors saison les gens originaux réapparaissent et on fait des rencontres très sympas c'est aussi vrai.
Le mot qui fâche c'est le mot effort.
L'humain se relâche bien souvent quand il a une aisance financière et fait de bien belles choses sous la pression c'est ainsi.
J'exagère or course,ceux qui vivent d'une autre manière que moi ont le droit évidemment de vivre comme ils le veulent, mais on ne pourra jamais se comprendre.
J'ai personnellement surtout l'impression que le monde change à grande vitesse. Il y a des choses que j'ai faites et que je n'oserais plus refaire aujourd'hui simplement parce que le niveau de risque est plus élevé.
Il suffit de regarder la carte du ministère des affaires étrangères aux voyageurs pour voir que les zones rouges dangereuses ont largement augmenté.
Côté météo pareil. J'ai fait le tour de Corse en été sur un tout petit voilier. Pas certain que je le referais aujourd'hui. J'observe des phénomènes météo de plus en plus violents. L'Espagne idem en ce moment mais pour d'autres raisons.
Bref tant mieux pour ceux qui naviguent, je ne viens pas gâcher leurs spots. Mais je leur laisse les galères. On peut avoir du bol. Mais plus ça va, plus il y a des zones où j'aurais l'impression de jouer à la roulette russe.
J'ai malheureusement l'état d'esprit un peu trop "casse cou". Un peu trop aventureux, avec l'envie d'aller voir ailleurs, un peu plus loin.
Je ne me rend pas trop compte, mais je suis difficile à suivre pour ma famille.
Ma femme et mes enfants ont eu des vacances "hard" cette année avec beaucoup trop de navs longues et difficiles.
Palavas - Bandol - Palavas, ça peut être très sympa aussi. Faut que je me calme.
Au fait, samedi dernier, un dauphin solitaire (environ 2m50) s'est frotté à ma chaine d'ancre pdt 1H a 400m devant Palawaï. Comme quoi, pas besoin d'aller loin !
Evidemment avec mon état d'esprit, j'ai sauté à l'eau de suite, on a joué 30 minutes dans l'eau, jusqu'à ce que je repousse ce dauphin trop entreprenant, qu'il me montre ses dents et que je sorte de l'eau.
Je précise, je n'ai pas recherché le contact, il était littéralement sur ma chaine quand on a voulu remonter l'ancre. La visibilité était quasi nulle, j'ai mis le masque et je suis allé voir s'il allait bien.
Oui pour le sur équipement. Maintenant des équipements de sécurité basiques (météo gps ais gilets et radeaux de sauvetage) sont plutôt une bonne chose je pense. Une bonne partie des marins et marins-pêcheurs dans les pays en développement apprécieraient nos conditions de sécurité.
Allez tiens je vais y aller moi aussi de ma p'tite prose.
Je pense effectivement que l'Homo Nauticus du 21ème siècle, et particulièrement celui candidat à un "grand" départ, n'est plus le même que celui du temps dont certains disent qu'il était mieux...
Alors c'est vrai que le navigant d'aujourd'hui est devenu plus timoré, s'est embourgeoisé, il veut le confort comme à la maison, il veut se sécuriser à outrance en cherchant à s'approcher autant que faire se peut du risque zéro, il calcule, il suppute, il fait des stages de sécurité, de médecine, il fait des tableaux Excel avec les dates de ses futures navigations, il réserve des places dans les ports, il collectionne les cartes bancaires, bref, l'Homo Nauticus actuel est prévoyant... 😏
Et surtout il se pose beaucoup, beaucoup, beaucoup, trop de questions… 😟
pierre3, tu es un grand romantique et tu imagines la vie des autres; à chacun son cap horn et la mer pour tous (sauf les jets skis ... 😉)
Pour ajouter un petit paragraphe à ma tartine d'en haut, embarquer un équipier angoissé chronique pour ceux qui on eu cette expérience (assez rare je pense, ça m'est arrivé une seule fois) peut, relativement contre intuitivement, être un facteur de risque plus qu'autre chose. Je m'explique, être en charge d'un voilier pour moi s'apparente à une tâche de "scan" permanent de plusieurs éléments, vent, environnement, autres équipiers, état du bateau etc. Ce travail de scan peut être à basse intensité (longue croisière) ou à trés haute intensité (arrivée de nuit à la voile dans coins compliqués etc.). Ce travail demande recul, une certaine relaxation et disponibilité pour être efficace, une personne à bord qui aura tendance à cristalliser ses angoisses sur un élément, puis l'autre demandera une charge d'attention qui perturbe ce travail de "scan". Il faut faire attention à ça et probablement parfois savoir être ferme. Il y a les timorés sur les autres bateaux qui parfois viennent sur nos propres bateaux. Pour ma référence de boulot de "scan" permanent, les personnes ayant piloté un avion aux instruments comprendront trés bien ce que je veux dire. Il y a pas mal de similitudes entre l'aviation et la voile en fait, sauf que pour la voile tout se passe beaucoup plus lentement et que ça pardonne beaucoup plus.
je pense que tout est dit dans cette phrase
"Que nous devenions insidieusement et progressivement un peu couillon est probablement en partie lié au confort (?) et à l'excès d'info "
Et ce qui est paradoxal, c'est que la navigation n'a jamais été aussi sûre que maintenant.
Nos voiliers sont équipés d'AIS, de balises, on a la météo même en pleine mer, il y a des chantiers et des shipchandler tout autour du monde,on a des moteurs qui démarrent et des avions pour nous ramener de n'importe où. Les pirates et voleurs sont répertoriés et on sait où ils sont.
Il y a 50 ans, rien de tout ça. On se posait la question sur avoir un moteur ou pas, on était armés et sortions le fusil, les cartes portaient parfois la mention "à utiliser avec un homme dans la mature", nos feux de route se résumaient à une lampe à pétrole et on buvait frais quand on rencontrait une usine à glace. On n'avait ni sécurité sociale, ni assurance et nos enfants vivaient libres.
Je pense qu'aux yeux d'un navigateur actuel, on apparaîtrait complètement inconscients
(En plus notre ancre était une CQR😉)
De façon générale la société devient plus sécuritaire. Mes parents roulaient sans ceinture de sécurité, avec un enfant sur les genoux du passager avant, et à des vitesses qui les feraient passer aujourd'hui pour de dangereux criminels.
Dans le meme ordre d'idée, je me souviens de navigation de nuit il y a plusieurs dizaines d'année ou on oubliait 2 fois sur 3 de mettre le moteur en route au milieu de la nuit. L'unique batterie du bord finissait à plat. Dans le meilleur des cas on démarrait à la manivelle, sinon on rentrait au port à la voile. Il me semble que c'était assez courant à l'époque. Evidemment tout cela sans VHF, GPS, Radar et tout le tintoin. La plus grosse crainte à l'épque ce n'était pas le mauvais temps mais le brouillard. Aujourd'hui ce serait très mal vu et les ports sont tellement blindés que la manoeuvre d'entrée serait assez accrobatique par vent fort. La capitainerie locale du 21ème siècle ne comprendrait d'ailleurs pas qu'on ne puisse prévenir par VHF.
Je pense que c'est juste l'évolution générale qui veut cela. Il me semble cependant que plus on va vers le nord et plus certaines pratiques antiques de la navigation sont facilement acceptées, probablement parce qu'il y a moins de monde et donc moins de risque.
Un autre aspect de cette dérive sécuritaire et de cette appétence générale pour les gadgets est que les bateaux deviennent extraordinairement complexe. Or à mon avis on ne peut combiner liberté et maintenance de cette complexité. Aussi cela réduit forcément pour la plupart le bassin de navigation car on est obligé d'avoir le bateau sous la main durant la morte saison pour ceux qui sont encore au boulot. Or comment est il possible d'élargir son bassin de nav si il faut toujours rentrer au point de départ ? Si on peut se passer de ces systèmes par contre on laisse le bateau ou on arrive et si la saison suivante certains gadgets sont en rade et bien ce n'est pas grâve, et éviter d'une manière générale un mille feuilles de machins compliqués.
Nous on a retapé le bateau et rêvé notre voyage en lisant Slocum, Gerbault, Bardiaux, Moitessier, Auboiroux, Damien, Mishka etc...
On se voyait partir le nez en l'air sur un bateau simple et solide.
Ils racontent presque tous d'être fait dépanner de la bouffe par des militaires, refilé du câble par la petite boite du coin, offert le repas et la bouée par le yacht club.
Ça a l'air si simple.
Aujourd'hui les yacht club sont des marina hors de prix peuplées de bateaux fantômes où chacun est anonyme, les militaires sont là pour contrôler les plaisanciers plus que pour les aider, les petites entreprises nous dépannent du câble, mais 25% plus cher car c'est au détail, quand au milieux de l'atlantique on contacte les cargos pour avoir la météo, 1/2 ne répondent même pas, et pour finir a chaque nouvelle escale il faut payer la clearance qui coûte parfois (souvent) une fortune.
On voulait nous aussi se perdre quelques mois sur un atol déser loin de tout le monde...
Ils sont devenus propriétées privées, complexes touristiques, réserves marines...
En conséquence on a du s'adapter au monde actuel, et pour ça il nous faudra retourner au charbon en france pour les hivers, au moins quelques temps histoire de mettre de côté pour aller plus loint.
C'est moins glamour, moins simple, moins pur, mais les contraintes pré-citées sont telles qu'on a pas vraiment le choix.
Heureusement qu'on a pas en plus à assumer l'entretien d'un dessal, d'un guindeau elec, d'une centrale NKE, d'un propulseur, d'un congèle, chauffe eau, machine à glace ou à quoi que ce soit d'autre, sinon on s'en sortirait pas.
Timoré ou sage ou simplement prudent l'âge venu?
Super post passionnant si on met de côté certaines inepties multicoquesques. Plein d'analyses et points de vue enrichissants. ça fait du bien :)
je navigue toujours comme avant ,sans electronique sans moteur d'annexe et sans guindeau electrique ,je n'en tire aucune fierté car simplement ca me fait plaisir ,je fais justement du voilier pour sortir de ma zone de confort,pour les riques ,en vieillissant j'en prends moins sans etre timoré quand meme bien que je ne mette jamais de gilet de sauvetage
Je ne porte pas de jugement sur les nouveaux plaisanciers car ils suivent l'evolution de notre societé ,je prefere rester un dinosaure observateur !
Je trouve aussi ce post et certaines interventions intéressantes.
Je vous raconte une anecdote récente qui me fait penser à une partie de ce que raconte Pierre3.
Un de mes amis, construit son bateau, solide, pour explorer le monde. Il le dote de tout un tas d'aides à la navigation (je ne juge pas si ce sont des gadgets ou des équipements utiles), de chauffage pour aller au nord et au sud du globe, etc ...
Après quelques navigations en Atlantique puis en Corse pour roder le bateau, il part pour un tour de l'Atlantique. Nous le voyons à son retour au bout de 2 ans et il songe à vendre son bateau.
Avec ma femme on ne sait pas s'il a peur de naviguer avec sa femme qui ne peut pas le suppléer en cas de météo dégradée, s'il s'emmerde à bord ou s'il a peur de la météo. Un de ses arguments étant que la météo n'est plus ce qu'elle était, elle est devenue imprévisible, avec des phénomènes violents.
Nous soupçonnons avec ma femme que son observation minutieuse de la météo et des orages a fini par le rendre inquiet et le paralyser.
Nous mêmes quand nous hésitons trop souvent face à la météo et il nous faut un coup de pied au c.. pour bouger.
Mon prochain bateau sera un bateau solide et confortable en mer ... donc rassurant :-D
A propos de la peur instillée, j'évite ce sujet pour lequel je me ferais rapidement traiter de complotiste (ce dont je serais fier venant de certaines personnes)
Prenez garde, je vais faire de l'anthropologie à 5 balles.
Fin d'avertissement.
Malgrès ce qu'écris Johann ci-dessus (biais cognitif du vieux con en résumé) et qui est certainement au moins partiellement vrais, je pense que le confort matériel et cette habitude acquise de toujours résoudre les soucis même mineurs en ouvrant notre portefeuille (après avoir consulté internet) amène une certaine rigidité mentale toute occidentale. Ca crée des blocages, on reporte un départ pour des riens ou on est tellement conditionné à se créer des nouveaux besoins de toutes pièces que ce qui était inconnu il y a 20 ans devient un équipement "pivot" maintenant.
Cette "rigidité" mentale occidentale (ou non) je la constate chez moi et c'est peut-être tout personnel mais je vais quand même vous expliquer comment je l'ai remarqué.
Mon épouse est lituanienne, a passé ses premières 23 années sous l'époque soviétique dans une ferme. Petite, les chaussures étaient un truc qu'on mettait l'hiver et un animal, quelque chose qui se mange.
Habituée depuis l'enfance à composer avec l'absence de certaines choses, ou la présence de choses mais qui ne fonctionnent que temporairement, elle a un niveau de plasticité mentale, de capacité d'adaptation totalement surprenant en comparaison à moi-même, mes amis ou ma famille.
Son cerveau fonctionne en continu comme une voie ferrée avec un nombre infini d'aiguillages qui s'actionnent vers le plan B ou C d'une manière très rapide dès qu'un obstacle se présente sur sa route. En 10 ans de vie commune je ne l'ai pas entendue se plaindre de "non fonctionnement" une seule fois (moi, quasi tout le temps par contre...). En gros je suis la à raler comme un imbécile qu'elle a déjà partiellement ou totalement résolu le problème par une voie tangeantielle, c'est assez humiliant.
J'ai l'impression que c'est aussi en partie ça le confort matériel.
Une étude a comparé le cerveau du chat sauvage et du chat domestique. Constatant que celui du chat domestique a rétréci comparé à celui de son homologue sauvage. Normal il a moins de soucis à résoudre. Tout ça pour dire qu'il faut bien veiller à la plasticité de nos cervelles et parfois faire confiance dans la notion que les choses peuvent s'arranger en cours de route, avoir assez de plasticité pour remettre en question la notion que tel ou tel équipement est indispensable. Etre prêt à vivre les choses autrement qu'on la prévu, en bref s'adapter aux réalités et pas constamment s'attendre que la réalité s'adapte à nous (le risque étant de se choper une cervelle de chat domestique :-)).
Sujet vraiment excellent et exceptionnel…
Pour répondre à la question du sujet :
Me concernant absolument pas quitte à en choquer certains…
Je ne vais pas raconter mes anecdotes ici et maintenant mais je fais partie de ceux qui ne se laisse pas impressionner par toute cette mascarade.
Je vivais je vis et vivrais (de mon vivant bien sûr) grâce à la trace qu’on laissé les morts sur mon passage.
On peut encore sur-vivre mais il est vrai qu’il faut souvent user d’ingéniosité et d’expérience pour arriver à rester « libre »
Bon vent à tous
@pierre3, les biais auxquels je fais référence ne sont pas forcément synonymes du syndrome du vieux c.. (enfin pas que :-) ). Je fais référence au fait que notre cerveau nous joue des tours en permanence et se raconte des histoires auxquelles il finit par croire. Il perçoit alors le monde à travers ses propres filtres et a du mal à le percevoir tel qu'il est vraiment.
Un exemple très simple : prend une photo d'un paysage avec une belle pleine lune, normalement tu verras sur la photo une lune toute petite qui ne ressemble en rien à ta vision. Pourtant c'est l'appareil photo qui a raison, notre cerveau grossit la lune. Il en est de même de nos souvenirs qui sont, c'est scientifiquement prouvés, tous erronés et modifiés.
Je rebondis sur tes propos interessant sur la rigidité mentale et le confort, j'ai une lecture différente de la situation actuelle et du progrès : par rapport à il y 60 ans où les bateaux n'étaient équipés de quasiment rien, nous avons une multitude choses à gérer : le moteur, la vhf, l'électronique, l'eau douce, l'informatique, le sextant pour garder la main etc... qui font que pour un navigateur qui veut voyager et être le plus autonome possible, son cerveau doit jongler avec toujours plus de données et être alerte. On est donc avec cette vision à l'opposé du chat domestique.
Après pour le plaisancier qui ne veut pas se fouler, l'argent facilite tout et pas besoin de se creuser la tête effectivement, mais ce n'est pas l'époque le problème, la même personne il y a 60 ans n'aurait surement pas navigué.
Deux dangers mis en avant aujourd'hui qui AMHA mérite qu'on prenne un poil de recul et qu'on les aborde d'une manière plus statistique qu'émotionnelle.
1) les orques.
2) la collision en mer.
Quant à moi, j'ai remarqué que l'endroit le plus dangereux c'est le lit, car c'est là que l'on meurt le plus souvent.
Et tous les soirs, je prends un risque maximum en me couchant.
Le bateau c'est un duvet sur une couchette, c'est statistiquement moins risqué.
Pour ce qui me concerne, j'ai surtout l'impression que le "danger" d'aujourd'hui ou le relatif "inconfort" ressenti par certains sur l'eau vient surtout du fait que l'on ne prend plus le temps d'apprendre et d'emmagasiner des milles.
Autrefois (ça y est, un terme de vieux con), il y avait des écoles de voile un peu partout qui formaient des bambins dès l'âge de 7/8 ans en commençant par des Optimist, puis le Vaurien, le 420 et le 470, éventuellement en passant par la Caravelle...
Aujourd'hui, ces séries n'existe plus ou presque (à part l'Optimist) et celles qui les ont remplacées ne sont guère vaillantes.
Le passage au multi via les Hobbies et autres Topcat n'a pas amélioré les choses. La planche à voile assez faciles avec de gros flotteurs supportant le poids des inexpérimentés n'existe plus. On est passé aux planches à foils et autre wakes, pas vraiment accessibles au débutant qui regarde cela du bord de la plage...
La croisière, c'est un peu pareil, combien reste t-il de ces écoles de croisière que l'on trouvait dans beaucoup de ports de nos côtes dans les années 70/80? une poignée...
La voile de croisière est devenue progressivement une voile de consommation passant par les flottes de location et les locataires d'aujourd'hui "montent" dans les bateaux loués comme on monte en voiture... parfois sans réfléchir même à la météo ou à la nav à faire...
Pourtant, je croise toujours autant de gens qui semblent très intéressés quand je leur raconte les aventures que j'ai vécues en plus de 45 ans de professionnalisme dans la plaisance et sur presque toutes les mers... Quand, j'invite certaines de personnes à venir partager un bout de croisière avec moi, ils semblent heureux, même si certains vont vomir leur petit déjeuner dès la première heure... Tous ceux qui ont embarqué avec moi ont, pour la plus grande majorité, continué à naviguer. Certains ont même fait des tours du monde...
Si l'on en croit les chiffres que l'industrie nautique vient de publier, cette industrie ne s'est jamais aussi bien portée...
Alors, d'où vient ce sentiment que tout se perd, que l'on est dans une insécurité permanente et que la technologie moderne a tout gâché?
Je n'ai pas vraiment la réponse, mais je continue de savourer les moments que je passe en côtière, comme en hauturière, sur des vieux gréements (dernièrement à bord de La Pauline à Dahouët) comme sur des multis de course (dernièrement un petit tour sur un plan Newick).
Peut-être est-ce seulement le regard que l'on porte sur les autres qui a changé?
Je pense que la tolérance au risque a complètement changée dans notre société européenne ces 50 dernières années. C'est vrai dans la plaisance mais c'est absolument généralisé. Plusieurs explications ont déjà été proposées ci-dessus. L'augmentation du confort qui entraine une forme de "molesse" et de peur du danger y est certainement pour quelque chose. A titre d'exemple les enfants de 12 ans ont perdu 25% de capacités physiques en 50 ans. Le gout de l'effort et la tolérance à l'inconfort est donc réel.
Toutefois, il me semble qu'un facteur bien plus important et qui n'a pas encore été évoqué est la judiciarisation progressive de notre société qui ne tolère plus l'imprévu l'aléa et le risque. Il y a 50 ans quand un accident arrivait on acceptait une forme de fatalité "ce sont les risques du métier" et souvent les choses n'allaient pas plus loin. Maintenant il faut un coupable et les procès se multiplient pour un oui et pour un non. C'est ainsi que les médecins même s'ils se sentent confiant sur leur diagnostique vont demander un scanner et une analyse de sang pour être couvert en cas de complication, donner systématiquement un congé pathologique à une femme enceinte de peur d'être trainé devant les tribunaux en cas de problème etc. Je donne cet exemple mais on pourrait les multiplier à l'infini. Autrefois pour déménager un studio d'étudiant on louait une camionette et on demandait à 3 potes de donner un coup de main. Maintenant on ose plus par peur, si un d'entre eux se laissait tomber un meuble sur pied, d'avoir un procès.
Quand on partait en mer on acceptait que la météo n'était pas une science exacte et personne n'aurait songé à faire un procès à météo France si un coup de vent non prévu se produisait. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et météo France surestime volontairement la force du vent et multiplie les alertes rouge ou orange pour tout (orage, canicule, neige, vent violent) pour se couvrir.
Dans un autre sport que la voile que j'ai pratiqué à relativement haut niveau qu'est l'équitation, les choses ont totalement changées en 50 ans. Quand j'était gamin tomber de cheval était considéré comme normal et faisait partie des risques acceptés du sport. La règle était de remonter immédiatement après chaque chute pour ne pas rester sur un échec. J'ai le souvenir à 13 ans d'être tombé 7 fois en 20mn avec un cheval particulièrement ombrageux!! Aujourd'hui les moniteurs ont interdiction absolue de faire remonter un enfant après un chute et doivent l'envoyer à l'hôpital pour une radio de contrôle même si, visiblement le gamin n'a rien.
Nos politiques ne sont pas en reste et pour se couvrir vis à vis de leurs administrés multiplient les règlementations sécuritaires
Petit à petit cette mentalité du CYA (protège tes fesses en anglais) ou du risque zéro diffuse dans toute la société et nous rend timoré.
Ce n'est pas totalement négatif, on a divisé par 4 le nombre de morts sur la route en 50 ans, mais il me semble que nos tombons un peu dans l'excès
Pour ce qui est de la navigation. Dans les années 70 mon père me laissait prendre le bateau (un 6,5M) à 13 ans avec ma soeur de 15 ans pour partir de Bénodet, passer une nuit aux Glénans et revenir le lendemain soir. Il n'y avait évidement ni VHF, ni bib, ni aucun instrument nav autre que le compas. Je pense que ce ne serait plus possible aujourd'hui, or cela compte parmi les meilleurs souvenirs de la vie
Un exemple de cette évolution, voir le fil d'à côté:
"Pattes battages : là tu risques plus rien !"
La part de risque tout a certainement diminué vu la masse de navires et l’essort de la plaisance vs la marine de travail.
Mais leur nombre?
Quand je lis les Damiens ou Moitessier, cela me transporte mais je constate aussi qu’ils ont eu parfois beaucoup de chance et ont vraiment risqué leur peau. Je doute toutefois qu’ils l’aient fait pour « sortir de leur zone de confort ».
Tout le monde n’a pas besoin de prendre des risques pour s’épanouir en naviguant. Tout le monde ne va pas sur l’eau pour prouver ou se prouver des choses. Ce serait une vision bien manageriale de la voile.
Je souscris tout à fait à ce qu’a dit Calypso plus haut. Les risques et les luttent on les mènent souvent ailleurs dans la vie.
Attendez je pense pas que ceux qui "font" tergiversent autant.
Il y a une notion qui n'apparait nulle part c'est l'instinct. Dans ce monde de fou personne n'apprend à d'abord se connaitre soi-même, la facilité étant d'abord de juger autrui!!! A partir de ce constat il est facile de commenter "sans jamais se mouiller".
Ceux que je connais et qui font beaucoup ne sont pas ici et pour les côtoyer je dirais qu'il y a bien qqchose qui les rassemble c'est de savoir écouter leur propre instinct.
C'est un mot banal mais croyez moi pour qui sait le développer et l'écouter c'est une sacrée assurance vie/bonheur/réussite.
Je dirais depuis une dizaine d'années mes rencontres vont naturellement vers ces gens là, qui pour beaucoup deviennent des guides, inspirateurs voire parents de coeur.
La vie n'est qu'une répétitions de choses, perso je ne crée nullement de nouvelles traces je suis juste celles qui, par mes rencontres, m'ont inspiré en y mettant ma touche oui mais sans désir d'innover pour créer le buzz ou je ne sais quoi qui ferait du bien à mon orgueil.
A force d'expériences on prend confiance et on ose, parfois on renonce parcqu'on ne le sent pas. C'est s'écouter et se connaitre... j'avoue c'est très difficile pour certains qui forcent et vont à l'encontre. D'autant qu'il faut savoir le faire tout en restant en adéquation avec le monde qui nous entoure, sur ce point mon instinct est d'ailleurs un "petit peu" en alerte 😅.
A partir de ce moment là j'ai appris à respecter ceux qui ne se le sentent pas et préfèrent leurs quotidiens. C'est parfois difficile à supporter lors de discussions mais j'avoue ranger ma fougue pour laisser place à l'acceptation.
Alors le monde devient il timoré non je ne pense pas.
Moi certainement pas mais d'une manière générale pour qui se connait et agit avec instinct, le temps passant, la sagesse s'invite également sur le chemin et ça faut pas l'oublier.
Quant aux endroits encore vierges du tourisme de masse, délaissés car craints ou rejetés dans la conscience collective, croyez ce que vous voulez, le cours des choses me feront peut etre rencontrer celui ou celle qui a été...de là je déciderais quoi faire 😅. En attendant une nouvelle journée s'annonce, profitez-en!!!
A 15 ans (dans les années 60) par défaut de sécurité, après un naufrage, j'ai failli y laisser ma peau, et les 7 autres personnes de même un vrai miracle. L'un d'entre eux s'est noyé. Avec les outils de sécurité actuels, couverture météo fiable à 24 h facilement accessible, et ne serait-ce qu'une VHF, rien de tout cela ne serait arrivé. Alors se la jouer je prends des risques mais moi je sais naviguer et j'ai pas besoin de tous ces machins modernes qui nous sursécurisent, ça me parait typique de celui qui cherche une compensation, de l'adrénaline en contrepartie d'une vie pas marrante. Tant qu'il ne met en danger que lui-même et qu'il n'ira pas déranger les secours pourquoi pas.
Cela m'a pas empêché de naviguer en tant que skipper depuis de nombreuses années et de pratiquer en solo des traversées jusqu'à trois jours et de sortir quand il y a du vent et que ça devient sportif et d'avoir quelques ennuis techniques en navigation parfois aussi du mauvais temps dont je me serais bien passé et qu'il a fallut gérer.
il faut etre lucide ..nous sommes un pays vieillissant donc les forces vives s'atténuent ,on "ose" de moins en moins globalement ,dans les années 70/80 il y avait l'arrivé du baby boom a l'age adulte , maintenant cette generation est en retraite . Et l'age moyen de l'ensemble des habitants augmente..( voir le debat sur la retraite) ..l'avenir est dans la jeunesse .
ainsi dans tous les secteurs du pays on est devenu conservateur, frileux ,on ose moins , et ça touche aussi l'activité bateau comme partout ..
Pour repartir de l'avant il faut soit faire des gosses ou faire venir des jeunes d'autre pays ..
Premier paragraphe mensonger à mon sujet :
Je suis un super marin, je connais les étoiles, je me sers aisément du sextant, mes mouillages sont toujours parfaits du premier coup, mon bateau a tous les équipements de sécurité, de routage, à bord mon coin atelier me permet de tout réparer, j'ai un safran de rechange anti orques, je ne passe qu'un mois par an à la maison.
Fin des mensonges.
Mais, je suis angoissé car je n'ai toujours pas souscrit de contrat pour surveiller ma maison pendant mon absence. J'ai bien vu la pub qui me dit que la société intervient en moins de 5 mn et que du coup je suis protégé.
Une autre angoisse, le parebrise de ma voiture a un impact je crains qu'un jour il n'éclate en passant sur un trou un jour de grand froid.
Et puis, j'ai le problème du lave-linge qui risque de me priver de mon week-end car je n'utilise pas la bonne lessive. Sans parler du temps gagné du fait que cette lessive remplace le fastidieux coup d'éponge sur le joint de hublot. Quelle sécurité dont je me prive !
Je suis inconscient !
Heureusement j'ai l'application qui permet à mes proches de connaitre ma position exacte lorsque je pars à moto. Elle appelle automatiquement les secours en cas de chute, ouf je suis sauvé. Je ne suis pas si négligeant que ça finalement.
Des exemples comme ceux ci peuvent être multipliés à l'infini. En vivant dans une telle ambiance, il ne faut pas s'étonner de tomber dans le panneau du tout sécuritaire et d'arriver à ce que la SNSM soit attaquée au tribunal.
A la fin de l'histoire, le seul vrai élément de sécurité est l'immense parapluie que chacun ouvre dans chaque activité.
Je viens de parcourir un hors série sécurité d'une revue voile. Et page 37 1ère colonne deuxième paragraphe. , je lis:
"Notre conseil est donc le suivant: avoir une appli complète intégrant à la fois la cartographie marine, le positionnement bien sûr, mais aussi la lecture des fichiers grib. L'affichage des cibles AIS (parfois module optionnel) est évidemment un plus. Près des côtes le routage n'est pas vraiment utile (sauf pour la régate). En revanche pour une traversée -même courte(Manche, Corse)- on a plutôt intérêt à choisir une appli avec routage"
Je sais ce qu'est un routage , mais bon je n'ai pas eu l'impression de me mettre en danger à chaque fois que je suis allé voir nos amis anglais. Sur des traversées comme cela de quelques dizaines de nautiques , où la météo est fiable bien au-delà du temps de la traversée , où les courants sont connus, je me demande quel gain SIGNIFICATIF de sécurité un routage peut apporter.
Ça me donne un peu l'impression de : ça existe, il faut l'avoir.
En même temps Paracétamol, une revue qui vit de la pub, c'est plus facile de te proposer tout et n'importe quoi. Je navigue depuis plus de 44 ans, au début avec des cartes Michelin avec mon petit 6 mètres et en 2002 ou 2003 j'ai acheté les cm95 800 frcs et finalement avec le temps, j'ai toujours ces cartes qui sont plus ou moins remises à jour, on trouve même le port médoc que j'avais pas avant et j'ai fait le tour du monde et grâce au GPS pratiquement cadaeu, moins de 20 boules, c'est plus facile sans pour ça dépenser des fortunes, j'ai une tablette android à 100 roros qui fait parfaitement l'affaire, j'ai même vendu mon sectant Marc2 qui ne me servait plus à rien au Marin, ça a fait un heureux. Donc finalement, tu peux naviguer léger niveau finance, faut juste penser que ça peut le faire sans dépenser des fortunes, c'est comme le confort matériel tant critiqué, une machine à laver marinisée c'est plus de 500 roros, j'ai une 8 kg pour moins de 200 euros chez Darty qui marche parfaitement 5 ans après, idem pour un frigo et congel, enfin, c'est pour ceux qui voyagent non pas pour la nostalgie, mais pour voyager tout simplement comme chacun a envie.
Voilà notre table à carte, et l'électronique, un sondeur, un gps et la vhf, le pilote un AT50 qui ne peut pas être connecté et un AIS,une station météo Lidl. Avec ça nous avons été partout, mais très peu de côtier
Équipements de l'edel3, un gps, un gps lecteur de carte (qui ne lisait pas les cartes) une vhf, un loch, un sondeur, et toujours notre AT50, toutes la carto, et guide sur papier. Nos feux de navigation à led de qualité pour la sécurité. Nous sommes partis du havre, trimballé un peu partout, pour rejoindre huzavik.nous avons naviguer dans de bonnes conditions, avec un bateau suffisamment confortable pour nous, sans pc, sans tablette, une belle bibliothèque avec des vrais livres.
Bonjour, Pierre3, excellent résumé. Pour répondre à:
« Quelles sont vos impressions ? d'être entouré d'une bande de casses-cou irresponsables ou, au contraire, de parfois vous interrogez à propos du monde dans lequel vous vous trouvez ? » je dirais, les deux mon père, les deux… ça a toujours existé ils ont simplement acquis plus de moyens, pour les uns - YouTube, pour les autres - les assurances, permis et autres diplômes.
Pour moi l’aventure est un risque calculé avec l’acceptation d’une possible fin brutale pour laquelle nos a tout fait pour l’écarter.
ce fil m'a permis ce qui suit, merci à son initiateur.
Alors voilà. En 2013,à 55 ans, lorsque j'ai compris que les oisillons (33, 20 et 14 ans) avec lesquels je venais de passer 35 ans à vivre avec leurs activités (scolarité,sport, musique) remplissant le reste du planning après le boulot (couple infirmier/aide soignante);donc quand j'ai réalisé qu'il était urgent de refaire des projets de vie "d'après".J'ai mis mon aile de parapente à la verticale et c'est la voile qui m'a aspiré. Comme le parapente 35 ans auparavant. Alors en haute savoie, j'ai commencé par le pilote côtier pour me donner notions de ce qu'il me fallait travailler puis j'ai trouvé un instructeur de voile sur le Lac du Bourget pour les premières notions de pilotage. puis j'ai loué des bateaux de 8m puis 9, 10, 11m pour faire des ronds dans l'eau en famille (Arzon-HOUAT-Oedic-Belle île-Arzon pour la première navigation (par 5 noeuds de vent et à 1,5 noeuds de vitesse) on était heureux comme tout. Puis avec des familles amies en méditerranée (plus proche) une semaine au printemps, une semaine en automne entre bandol, Lalonde les maures et les iles du levant. 15/20 noeuds de vent était devenu abordable. En 2015 un stage 3 avec les Glénans de Marseillans m'a permis de faire un point de ma progression "sur le tas".La semaine avec 38/45 noeuds de vent m'a un peu débridé; j'avais progressé dans ces 2 premières années. En 2017 le projet de partir en Bretagne à ma retraite s'était fait jour et, en prévision, la trouvaille d'un corps mort à Guidel nous à fait cherché un bateau (un Sangria) que j'ai ramené de Douarnenez à Guidel par le raz de Sein (J'avais potassé le Hauturier par correspondance l'année précédente). and i just do it! Non sans être malade à gerber, les premières 24h (de stress; ce fut clair au débriefing). A partir d'Audierne, ce fut le pur plaisir malgré un force 5 (puis 7 qui me fit faire halte à Concarneau). Dans le finistère depuis bientôt 3 ans, j'ai acquis un Dufour 31 il y a 2 ans, passé le Hauturier pour mieux maitriser la navigation sur carte. Des ronds dans l'eau entre Guidel, Concarneau et Belle Ile. Et l'an passé un Guidel/Royan aller sur 8 escales, retour en 4. Mouillages divers, naviguer de nuit était au programme selon... et çà a été. Seul sur le bateau; ma femme, plus jeune travaillant encore et surtout, nos projets de navigations n'étant peut être plus les mêmes parce qu'entre temps le large m'attire de plus en plus. En fait dès le début. mais c'était tellement loin, comme horizon. Aujourd'hui j'ai 65 ans. Je suis très impacté par la période covid qui sévissait quand je suis arrivé en Bretagne. Bourré de doutes. Pour tout et donc aussi pour naviguer . Par contre quelque chose d'irrésistible m'attire vers le large. j'ai équipé mon bateau d'un régulateur d'allure, d'un étai largable et d'un Solent. Je fais faire un nouveau Génois. Je rêve de sextant (pour l'instant j'ai pas compris) , l'électronique me fuit et j'essaie de la fuire. j'ai concédé une tablette, un AIS qui était sur le bateau, un mer-veille que j'ai acquis et j'essaie de comprendre la B.L.U. . Tout çà, pour les compromis que je fais parce que les 20 ans d'expérience de navigation au large,je ne les aurai probablement pas. Et qu'il me faut accepter de limiter les nouveautés à gérer (Naviguer plusieurs jours d'affilés, la fatigue, l'imprévu de la météo, l'imprévu tout court). Parce que je me fixe de faire le golfe de Gascogne-Gijon-cap finistère-Portugal et plus, si affinité dès la fin du printemps. Mais tout comme lorsque je suis parti pour Royan, je n'excluais pas que, peut être, je n'irais pas plus loin que Sauzon, peut être serai je contraint à un repli stratégique en cours de Gascogne? Quand j'ai commencé en 2013, à ceux qui me questionnaient sur mon objectif, je répondais Cap Vert en ajoutant qu'une fois là il n'y avait plus qu'à traverser , passer Panama , les Galapagos pour aller saluer "Jacques Brel [qui] va bien, il dort aux Marquises". Sans y croire, juste pour réver. Les Marquises ne sont encore qu'un rêve mais la traversée...
Alors oui je vais partir pour cette aventure. Dans le doute de savoir si je me suis assez préparé mais parce que trop envie/besoin de me retrouver au milieu d'un océan.