Biquilles, tranche d'histoire, et Paulet, un architecte naval précurseur

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Bertrand Wibaux
8 mois
Ecrit à la fin des années quatre-vingt dix
TREBEZ
UN BIQUILLE POUR LA VITESSE
Le système de quilles multiples envisagé en vertu de son principal
avantage : la facilité d’échouage. Sans restriction particulière de tirant d’eau,
sans abandon de performances. C’est à ce problème que je me suis confronté
il y a une vingtaine d’années. Les principaux modèles antérieurs étaient les
« Diables » ; Jean Merrien, leur promoteur, avait l’intuition bonne, mais le
résultat n’était pas fringant sous voiles. Deux quilles longues, assez longues
pour assurer à elles seules la stabilité à l’échouage, induisent une
augmentation de traînée irrattrapable, et sont surabondantes en tant
qu’élément anti-dérive.
Répartir les appuis au sol sur trois supports mène à la meilleure stabilité
statique sans contrainte sur le développement longitudinal de chaque aileron.
C’est ainsi que le projet, puis le bateau, prirent le nom de « Trebez » (trépied,
en langue bretonne). L’aileron arrière étant prévu juste suffisant pour prendre
sa part de charge et supporter le safran, il n’y a pas à y revenir.
Première réflexion : aux allures portantes, qu’il ne faut pas sacrifier, un
aileron de quille axial reçoit les filets d’eau, au voisinage de la carène, dans le
plan de symétrie général de l’écoulement, incidence nulle. Les filets d’eau à
l’emplacement d’un aileron latéral se présentent, en principe, de biais, et cela
risque d’entraîner des perturbations augmentant la résistance à l’avancement.
J’avais remarqué, lors de simulations en laboratoire sur des carènes possédant
des arêtes, que les filets d’eau prenaient facilement un chemin longeant les
bouchains vifs. D’où l’idée d’implanter chaque aileron latéral sur un
bouchain bien tracé, ramenant l’écoulement dans le plan longitudinal en
amont de l’encastrement de l’aileron. De cette manière l’approche du bord
d’attaque n’est pas plus perturbée que pour une quille axiale. Ceci a donné
lieu à un dépôt de brevet dont je n’ai pas jugé utile de régler les annuités
après plusieurs années sans demande.
Deuxième réflexion : il serait fâcheux que la quille latérale au vent perde
de l’efficacité anti-dérive à la moindre gîte. D’ailleurs au moment où elle sort
de l’eau il se produit des remous néfastes. Un coup d’œil sur une première
esquisse géométrique montre qu’il n’y a pas à craindre d’interaction négative
entre les quilles, compte tenu de la faible déviation de l’écoulement dans la
marche en dérive. Les quilles sont rapprochées le plus possible, sous réserve
que le bateau ne bascule pas à l’échouage si trois ou quatre personnes se
promènent au bord du pont, ce qui est facilement calculable. D’autre part
l’inclinaison des quilles par rapport à la verticale ne serait utile que si l’angle
avec le bordé, d’un coté du bouchain, devenait aigu, ou pour donner une
impression de solidité d’assise.
Troisième réflexion : à surface égale une aile a d’autant plus de portance
(ici, d’effet anti-dérive) qu’elle est allongée, c’est-à-dire étroite dans le sens
directionnel. Si l’on tire parti de cette donnée, à résultat anti-dérive
équivalent, pour un tirant d’eau fixé, la surface totale des ailerons latéraux
d’un biquille est inférieure à celle d’un aileron de monoquille. Moindre
surface mouillée pour le biquille, donc.
Vérification : un modèle permettant de disposer alternativement une
quille axiale ou deux quilles latérales est fabriqué, essayé en Bassin des
Carènes. Il est d’abord constaté que la carène, malgré son bouchain
particulier, est intrinsèquement aussi bonne que les meilleures références. La
différence entre les configurations, avec ou sans gîte, est très faible,
compensée par une recherche plus approfondie sur la surface des ailerons
nécessaire.
Validation : le Trebez s’engage dans une course importante autour de
Belle-Isle dès son neuvage, et mène du départ à l’arrivée. Puis il fait très
bonne figure à l’EDEC.
Un jour peut-être les solutions à ailerons multiples deviendront à la
mode, non seulement pour leurs aspects pratiques, mais pour l’optimum de
vitesse.
Suite : j’ai confié les plans du Trebez à Bruno Devriese pour une
construction amateur. Il en a étendu l’usage aux RM.
Depuis il m’a été demandé des versions triquille-dériveur, une
disposition dont on reparlera sans doute.
Dominique Paulet

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A suivre, vu mon néophytisme peut-être déjà des suites?

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